Tribune Libre : la prise en considération de la réglementation anti-endommagement des réseaux dans les pièces contractuelles des marchés de travaux.
Partie 1
Sur la réglementation anti-endommagement de réseaux résultant du Décret n°2011-1231 du 5 octobre 2011
Partie 2
Sur la norme AFNOR NF S70-003-1 concernant « les travaux à proximité des réseaux »
Partie 3
Sur les cahiers des charges des marchés de travaux
Partie 4
Sur les stipulations du CCAG de travaux de 2009 concernant le marquage-piquetage
Partie 5
Vers une révision du CCAG de travaux de 2009 ?
Une réunion organisée le 27 mai 2013 par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie avec les acteurs concernés a permis de faire le point de l’application de la réforme anti-endommagement des réseaux entrée en vigueur le 1er juillet 2012.
Malgré un bilan globalement positif, il en est résulté que la règlementation actuelle n’était pas suffisamment respectée et que certaines corrections méritaient d’y être apportées.
Pour un meilleur fonctionnement du dispositif mis en place, un décret et un arrêté modificatifs vont être prochainement adoptés, lesquels devraient prendre effet au début de l’année 2014.
Parallèlement, la partie 1 de la norme NF S70-003-1 « Prévention des dommages et de leurs conséquences », laquelle est d’application obligatoire (à la différence des trois autres parties de la norme) pourrait faire l’objet de révisions.
La partie 4 « Clauses particulières dans les marchés de travaux », encore à l’étude de la commission AFNOR/DT-DICT, devrait donner lieu à une enquête publique à compter de novembre 2013 dans la perspective d’être publiée en mars 2014.
L’objectif de cette norme (partie 4) est d’aider les maîtres d’ouvrage à adapter leurs marchés de travaux pour être en conformité avec la règlementation.
Il ne s’agit pas de leur fournir un cahier des clauses techniques ou administratives mais de leur donner des exemples de rédaction de clauses pour répondre à certaines situations.
En l’état, il est prévu d’y traiter 7 cas relatifs aux obligations des maîtres d’ouvrage qui nécessitent des adaptations de leurs cahiers des charges, à savoir :
- clause n° 1
: les conditions permettant la réalisation des travaux avec une DT dépassant la durée de validité des trois mois en évitant les renouvellements automatiques des DT,
- clause n° 2
: un exemple de CCTP et de bordereau pour la réalisation des investigations complémentaires avant travaux,
- clause n° 3
: les conditions permettant la réalisation des travaux sans investigation complémentaire en phase projet (localisation des réseaux, prix de terrassement spécifiques…),
- clause n° 4
: la gestion de l’absence de réponse d’un exploitant de réseaux sensibles à une DICT et l’éventuel arrêt de travaux consécutif,
- clause n° 5
: les modalités de réalisation du marquage-piquetage par le responsable du projet (en direct, par un tiers ou par l’entreprise de travaux) et de transfert à l’entreprise,
- clause n° 6
: la gestion des modalités pratiques et de l’encadrement des arrêts de travaux, ainsi que les conditions de prise en charge par le responsable de projet,
- clause n° 7
: les modalités de réalisation des relevés topographiques des réseaux neufs (par entreprise de travaux ou tiers).
On rappellera que la partie 4 de la norme NF S70-003-1 n’est pas d’application obligatoire et il en est de même des dispositions des Cahiers des Clauses Administratives Générales (normes AFNOR P03-001, P03-002 et P03-700) et des Clauses Techniques Générales applicables aux marchés privés de travaux.
En matière de travaux publics, la référence aux dispositions du Cahier des Clauses Administratives Générales applicable aux marchés publics de travaux et aux Cahiers des Clauses Techniques Générales, qui sont approuvés par arrêtés ministériels, n’est pas davantage obligatoire.
La personne publique doit cependant décider d’y soumettre son marché.
Mais il est fait le plus souvent référence à ces cahiers généraux.
Les Cahiers des Clauses Administratives Particulières ou les Cahiers des Clauses Techniques Particulières peuvent toutefois y déroger.
Pour les marchés publics, le CCAP ou le CCTP comporte une liste récapitulative des articles du CCAG ou des CCTG auxquels il est dérogé.
Dans ces conditions, les cahiers des clauses particulières devront tenir compte dans leur rédaction de la règlementation en matière de DT-DICT.
Ils pourront éventuellement reprendre ou faire référence à des clauses proposées par la partie 4 de la norme.
S'ils peuvent d’ores et déjà mentionner la partie 1, il serait également s ouhaitable que les stipulations des cahiers de clauses générales prennent en considération la règlementation actuelle relative à l’anti-endommagement des réseaux.
Ainsi, le CCAG de travaux publics approuvé par l’arrêté du 8 septembre 2009 pourrait-il être utilement complété par le rappel des règles applicables.
On précisera par exemple qu’à défaut de procéder à des investigations complémentaires nécessitées par l’imprécision des informations sur la localisation du réseau, la responsable du projet doit inclure des clauses techniques et financières dans le marché pour permettre à l’entrepreneur de travailler en toute sécurité et d’être rémunéré en conséquence.
Autre exemple, en cas de découverte fortuite par l’entrepreneur après la signature du marché, d’un ouvrage non identifié ou de constat d’un écart par rapport aux informations fournies, le marché doit comporter une clause prévoyant que l’entrepreneur ne subira pas de préjudice en cas d’arrêt des travaux, que les actions complémentaires non prévues dans le marché initial feront l’objet d’un avenant ou d’un nouveau marché à la charge du maître d’ouvrage et que l’entrepreneur devra attendre l’ordre écrit du maître d’ouvrage de reprendre les travaux (et non celui du seul maître d’œuvre tel que prévu par l’article 27.3.3 du CCAG qui devra donc être modifié).
En effet, outre des compléments, le CCAG travaux nécessite des modifications concernant notamment les stipulations sur le marquage-piquetage.
L’article R.554-27 du Code de l’Environnement prévoit que « pour chacun des ouvrages souterrains en service identifié, le responsable du projet procède ou fait procéder, sous sa responsabilité et à ses frais à un marquage ou un piquetage.»
Le marquage-piquetage incombe donc dorénavant au maître d’ouvrage.
Cette nouvelle obligation est reprise par l’article 5.2 et détaillée techniquement dans l’article 7.2. de la partie 1 de la norme NF S70-003-1 (obligatoire).
Or, l’article 27.3.2 du CCAG travaux de 2009 stipule que si le piquetage spécial n’a pas été réalisé par le maître d’ouvrage avant la notification du marché, « il est effectué par le titulaire, à sa charge, contradictoirement avec le maître d’œuvre ».
Ces stipulations du CCAG sont donc contraires à la règlementation et par conséquent entachées de nullité.
Dès lors, dans l’attente de la modification du CCAG, le maître d’ouvrage devra intégrer les nouvelles dispositions obligatoires dans la rédaction de son CCAP.
Dans l’hypothèse où la personne publique omettrait de rectifier dans son CCAP les stipulations relatives au marquage-piquetage, le nouveau dispositif réglementaire devrait néanmoins être mis en œuvre et non l’article 27.3.2 du CCAG.
On précisera que le responsable du projet peut confier à l’exécutant des travaux, comme à tout tiers, le marquage-piquetage du sol pour repérer les ouvrages souterrains.
Mais le maître d’ouvrage reste responsable de l’opération de marquage-piquetage à l’égard des tiers et des pouvoirs publics (même s’il pourrait rechercher la garantie de l’entrepreneur de travaux qui aurait commis une faute d’exécution) et en supporte les frais.
Il est donc nécessaire que le responsable du projet prévoit dans le marché de travaux les modalités de la rémunération de l’exécutant des travaux au titre du repérage des ouvrages souterrains.
Il doit par ailleurs envisager l’hypothèse d’une prise en charge par un exploitant.
En effet, l’article R.554-27 du Code de l’Energie prévoit que «lorsqu’un exploitant d’ouvrages souterrains ne fournit pas les plans de l’ouvrage qu’il exploite lors de la réponse à la DICT, le marquage ou piquetage initial est établi par ses soins et à ses frais.»
La direction des affaires juridiques du Ministère de l’Economie et des Finances a au demeurant annoncé que la fiche de présentation des CCAG (et notamment celle spécifique au CCAG travaux) sera réécrite afin d’alerter davantage les acheteurs sur la nécessaire prise en compte dans les CCAP des normes obligatoires et des évolutions règlementaires, notamment dans les domaines de la sécurité et du développement durable.
Par ailleurs, l’actualisation du CCAG travaux est au nombre des chantiers ouverts en 2013.
Le CCAG ne peut toutefois être modifié à chaque évolution de la règlementation.
On soulignera à cet égard que le précédant CCAG travaux qui datait de 1976, n’a été modifié qu’en 2009.
Marie-Noëlle LAZARI
Avocat à la Cour
Cabinet NCA & Associés