Les canalisations françaises d’eau potable sont vétustes. D’après une récente enquête de l’association 60 millions de consommateurs, un litre d’eau sur cinq est perdu dans des fuites sur les réseaux. Face à ce constat inquiétant, les gestionnaires multiplient les interventions pour réparer les conduites défectueuses.
Partie 1
Un patrimoine vieillissant et peu connu
Partie 2
Détecter et réparer les fuites d’eau sur le réseau
Partie 3
Des réseaux d’eau potable plus intelligents
En coopération avec la Fondation France Libertés, 60 millions de consommateurs a dressé un palmarès des fuites d’eau potable dans 101 villes préfectures de la métropole et des DOM. Leur enquête, publiée en mars 2014, s’appuie sur les données récoltées en 2011 par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Elle révèle qu’un litre d’eau potable sur cinq est perdu dans des fuites en France. En effet, sur les 850 000 kilomètres de canalisations, 1 300 des 6 000 milliards de litres produits sont gaspillés du fait de fuites chaque année. C’est tout de même l’équivalent de 430 piscines olympiques ! D’après l’organisation de défense des consommateurs, deux villes sur trois n’atteignent pas l’objectif national fixé par la loi Grenelle II de 2010 visant à limiter le taux de fuite à 15% d’eau produite. Pire, dans un quart des préfectures, ce taux dépasse allègrement les 25%.
Ces pertes, dues à des mouvements de sols ou à des branchements et poses défectueux, entraînent un affaiblissement du rendement. « À travers ces enquêtes, l’état du réseau français est encore pointé du doigt, estime Luc Bade, directeur commercial chez le spécialiste des détections de fuites d’eau, Gutermann. « Nos canalisations sont vétustes, elles datent en majorité d’après la deuxième guerre mondiale. » Certaines conduites atteignent même la centaine d’années dans des centres-villes comme celui de Paris. « Après un siècle de travaux, les plans de renouvellement de réseaux d’eau potable ne sont pas nombreux », constate Maxime Kieffer, responsable commercial chez Sewerin, fabricant de matériels électroniques de détection de fuites. Selon les chiffres cités par la Fédération des professionnels de l’eau (FP2E), seul 1% du réseau est changé chaque année. « La connaissance de l’état du patrimoine ainsi que son renouvellement sont devenus un enjeu majeur », indique le ministère de l’Environnement sur son site internet. De plus en plus, les gestionnaires réalisent des sondages et des inventaires de réseaux. « Nous avons peu d’informations sur les canalisations françaises en eau potable. Nous avons accès à quelques plans et connaissons leurs dates de pose. Rien de plus ! », se désole Luc Bade. En parallèle de la récolte d’informations plus précises sur les conduites qui jalonnent nos sous-sols, les exploitants de réseaux partent à la recherche des nombreuses fuites.
En 2010, le Grenelle de l’Environnement a mis l’accent sur la nécessité d’une meilleure gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable en France. Les objectifs nationaux affichés sont de réduire les pertes de 22% à 15% d’eau produite, et d’arriver à un taux de rendement de 85%. Aujourd’hui, des efforts sont encore à faire dans ce domaine. En effet, le rendement est actuellement d’environ 80% sur le réseau français d’eau potable. Les moyennes sont de 79% en zone rurale, entre 83 et 84% en zone urbaine. Ne pas laisser les fuites envahir les conduites est donc primordial, et la surveillance permanente. Pour détecter d’éventuelles fuites, des nœuds principaux sont installés sur les canalisations avec des compteurs raccordés sur une supervision. Ponctuellement, les gestionnaires posent également des enregistreurs sur quelques conduites afin de compléter leur analyse. « La sectorisation débimétrique est réalisée la nuit, entre 2h et 4h du matin. Ces heures sont privilégiées parce que les Français utilisent très peu d’eau, et que les bruits environnants sont limités. » La débimétrie ne localise pas la fuite précisément, elle permet de la quantifier. « Nous prenons connaissance du nombre de mètres cube par heure perdus sur une zone restreinte. » Lorsque les exploitants ont détecté une perte d’eau, ils entreprennent des recherches pour la localiser. Sectorisation acoustique, pré-localisation acoustique, corrélation acoustique, électro-acoustique ou gaz traceur sont autant de méthodes à leur disposition. « Le corrélateur acoustique est l’appareil de détection de fuites le plus utilisé par les exploitants, affirme Luc Bade. Une fuite émet toujours un bruit, une fréquence. Les techniciens posent deux microphones très sensibles sur la conduite pour écouter le bruit et l’analyser via un ordinateur. » Une fois qu’elle est détectée et localisée, la fuite est réparée. « Les fuites apparentes sont réparées en urgence, continue Luc Bade. Les fuites non visibles demande un délai d’au moins 15 jours, suite aux démarches administratives de demandes de travaux que cela implique. »
Les fabricants de matériels de détection de fuites d’eau innovent, conscients de l’importance d’apporter des solutions toujours plus performantes et rapides aux exploitants. « Nous souhaitons rendre les réseaux plus intelligents pour améliorer leur gestion », entame Luc Bade. « Nous essayons d’automatiser pour optimiser la surveillance et la durée de vie des canalisations », assure aussi Maxime Kieffer. Lyon est la première grande ville française à équiper ses 6 000 kilomètres de réseaux d’eau potable de loggers avec la fonction corrélation. « Des micros enregistreurs sont posés sur les conduites, au niveau des vannes de section, explique le directeur commercial de Gutermann, dont le produit est commercialisé par T.D Williamson. Le système enregistre et envoie tous les jours au serveur les bruits du réseau. » Le logiciel ZONESCAN.NET analyse automatiquement les données (Db et Fréquences). « Il affiche ainsi le bruit de la fuite et non un bruit parasite. » En parallèle, le logiciel fait une corrélation croisée de tous les loggers en place dont la localisation GPS est connue. Seules les corrélations d’une qualité supérieure à 70% s’affichent de manière à garantir une précision de localisation de la fuite à plus ou moins 3 mètres. Les données sont finalement consultables via une connexion internet. « Grâce à cet équipement, l’exploitant peut suivre et gérer les fuites en temps réel. » Une cartographie des réseaux de la ville est intégrée au logiciel (plateforme Google Map) pour intervenir le plus rapidement possible.
Charlotte Malbranque