Marquée par des démarches administratives de plus en plus fortes, la gestion des réseaux d’assainissement a beaucoup évolué pour protéger un patrimoine situé sous terre.
Partie 1
Une protection du patrimoine
Partie 2
Vers moins de curage
Partie 3
Des clients industriels très surveillés
Partie 4
Une pression administrative forte
Partie 5
L’innovation pour évoluer
L’image des métiers liés à l’assainissement a beaucoup évolué en l’espace d’une vingtaine d’années. Aujourd’hui, le cœur de l’entretien des réseaux d’assainissement se situe dans l’innovation, mais aussi dans une anticipation de plus en plus grande. Curage, désobstruction ou pompage deviennent moins importants pour les gestionnaires, désireux avant tout de s’occuper du patrimoine. « 80 % du patrimoine assainissement d’une collectivité se situent dans les réseaux. Ce n’est pas la station d’épuration comme beaucoup de gens le croient », assure Bernard Loubières, directeur technique à La Lyonnaise des Eaux qui ajoute : « Il faut protéger ce patrimoine ». Tous les grands acteurs de l’entretien de ce patrimoine axent leur politique vers une optimisation dans le temps de ce patrimoine, y compris dans leur relation avec les industriels, lorsque ces derniers rejettent leurs effluents dans le réseau d’une collectivité publique.
La technique la plus couramment utilisée consiste encore à curer les réseaux. Pour le groupe Ortec, les hydrocureurs restent encore très utilisés. Ces engins pouvant atteindre plus de 20 tonnes bénéficient d’équipements pour nettoyer les réseaux d’assainissement. « Ce sont des poids lourds ou des véhicules légers. Il y a différentes techniques selon les diamètres de réseau », explique-t-on chez Ortec. Les hydrocureurs offrent la possibilité de curer, racler ou encore pomper les sédiments ou les objets encombrant d’un réseau. « Nous avons différentes têtes de curage pour nous adapter aux différents réseaux. Nous avons des opérateurs techniques et pas des chauffeurs de poids lourds », précise pour sa part Marc-Olivier Houel, directeur général de la SARP, filiale de Veolia Propreté. La technique a toutefois beaucoup évolué pour le nettoyage des réseaux visitables. Ces réseaux en béton font parfois jusqu’à un mètre soixante de diamètre. Les capacités d’un engin mécanique y sont très limitées. La Lyonnaise des Eaux, qui possède 1 500 km de réseaux visitables en France, a un objectif : y limiter la sédimentation. « Le but est de pousser ces sédiments soit avec des petits tracteurs, soit avec une vanne mobile », indique Bernard Loubière. Plutôt que de retirer les sédiments, ces vannes stockent les déchets dans un seul endroit afin de faciliter leur extraction.
Dans ce métier en pleine évolution, les gestionnaires doivent aussi s’adapter à leurs clients. S’il y a de nombreuses collectivités publiques, les industriels prennent une part de plus en plus grande. « Nous avons 1 200 clients dans l’industrie que nous surveillons avec beaucoup d’attention », affirme Bernard Loubière. La gestion des eaux d’une ville ou d’une communauté d’agglomération se limite aux réseaux d’eaux usées et d’eaux de pluie. Les gestionnaires de réseaux deviennent des délégataires de service public en charge de la gestion et de l’entretien des réseaux d’assainissement. Les gestionnaires peuvent également agir pour le compte de certaines régies communales dans le cadre de certaines missions d’inspection. Quant aux industriels, ils doivent demander des autorisations auprès de la commune pour rejeter leurs eaux souillées. Le gestionnaire intervenant en tant que délégataire intervient alors pour conseiller la commune ou l’intercommunalité. « S’il y a un rejet qui est non-biodégradable, nous allons lui demander de faire un pré-traitement avant de rejeter ses eaux usées dans le réseau ». Tout cela est indiqué dans la convention de raccordement signée entre les trois parties. L’industriel devient un partenaire très surveillé par le gestionnaire.
Pour cette raison, la gestion du patrimoine prend une part de plus en plus importante. Les 250 000 km de réseaux d’eaux usées et les 60 000 km de réseaux d’eaux de pluie en France représentent un patrimoine compris entre 65 et 80 milliards d’euros, s’il devait être remplacé à neuf. La SARP a développé un système d’inspection et de contrôle de ses canalisations très poussé pour éviter de voir son réseau se dégrader trop vite. Cependant, « il y a une démarche administrative très forte », note Marc-Olivier Houel. Ces dernières années, les contraintes administratives se sont accentuées. Un arrêté datant du 22 juin 2001 a contraint les gestionnaires de réseau à une plus grande surveillance des canalisations. En 2006, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques avaient déjà renforcé les contrôles sur ce milieu. Le Grenelle de l’environnement est venu ajouter une nouvelle couche au mille-feuilles administratif, avec le décret du 27 janvier 2012. « Il vient renforcer les obligations des collectivités. La réglementation tend à imposer aux collectivités de connaître de mieux en mieux leurs réseaux d’assainissement », précise-t-il. Ce diagnostic patrimonial doit être réalisé d’ici au 31 décembre 2013, alors même que les moyens manquent cruellement pour certaines collectivités. Au vu de la crise, l’objectif risque d’être intenable.
Les gestionnaires ont donc pris les devants en pariant sur l’innovation et en se basant sur les techniques d’inspection télévisées lancées par le syndicat des contrôleurs de réseau d’assainissement (Syncra). La Lyonnaise des Eaux a développé un système de diagnostic rapide, utilisant un vidéo-périscope, qui, une fois placée dans la canalisation, permet à l’opérateur de vérifier pourquoi le réseau est bouché. Quant à l’inspection télévisée, système plus long et plus coûteux, elle n’est réalisée qu’en cas de problèmes importants ou en complément d’un diagnostic rapide. Cette inspection télévisée permet aussi d’améliorer la cartographie des réseaux puisque tous les problèmes sont reportés sur le SIG. Tout cela doit permettre d’améliorer les actions en amont pour réduire le nombre de curage sur les 60 000 km de réseaux que La Lyonnaise des Eaux gère. Pour Marc-Olivier Houel, directeur général de la SARP, « le vrai défi de demain est de connaître la pollution de demain ». Rendre les camions hydrocureurs moins gourmands, évoluer sur le traitement des déchets et le retraitement de l’eau tout en veillant sur les réseaux les plus anciens sont autant de chantier qui ont modifié la gestion des réseaux d’assainissement. « C’est un métier de plus en plus complexe techniquement et de plus en plus réglementé et professionnalisé. Il y a tout un potentiel sur la gestion du patrimoine », indique-t-il. Faire de la prévention et apporter une valeur ajoutée sont indissociables.
Mathieu Liénard