Arrivé en France depuis une vingtaine d’années, le chemisage de canalisation est devenu depuis un métier à part entière dans le domaine de la réhabilitation.
Partie 1
Manque de reconaissance
Partie 2
Un gain économique
Partie 3
La technologie prépondérante
Partie 4
Il n’existe pas de formation spécifique
Partie 5
Le marché évolue
La technique est au point et le métier a encore de très belles années devant lui. Seule manque la reconnaissance. Ce type de réhabilitation n’a pas encore fait son chemin dans l’esprit des donneurs d’ordre ou des maîtres d’ouvrage qui lui préfèrent encore la destruction puis la reconstruction. Le chemisage est pourtant une alternative proposant de nombreux avantages, dont l’absence de nuisance. Creuser pour réaliser le remplacement d’une canalisation génère du transport, de la pollution, du bruit et le déplacement des remblais. Le bilan carbone en prend un coup et les collectivités locales ont souvent bien compris qu’elles avaient tout intérêt à se servir du chemisage pour éviter cela. « La technique est de plus en plus compétitive et les prix de plus en plus attractifs. Les grands groupes ont été les premiers à investir dans cette technique », défend Franck Maillotte, gérant de l’entreprise M3R, spécialiste en France d’une profession pas si vieille que cela.
Il est loin aujourd’hui le temps d’un effet vitrine. Le chemisage, technique sans tranchées, est devenu une alternative de plus en plus viable depuis presque 25 ans. « La réhabilitation se fait depuis les années 1984-1985 », confirme Lucien Walther, spécialiste du chemisage pour Axéo TP, une filiale de Suez Environnement. La technique a évolué même si le but reste toujours le même. Alors qu’il existe des appareils capables d’insérer de la résine dans des canalisations abîmées, le chemisage consiste à insérer une gaine souple dans une canalisation en mauvais état. Cette gaine en polymère est ensuite durcie selon différentes techniques, rendant ainsi la canalisation de nouveau apte au service. « C’est moins cher, les contraintes sont moins importantes. Il n’y a pas d’ouverture de chaussée et donc très peu de gêne au niveau de la circulation », poursuit-il avant d’ajouter : « Ce sont des avantages non négligeables ». Le gain économique est le principal avantage que mettent en avant les acteurs de cette profession. De plus, le chemisage touche des canalisations de divers diamètres. « Le plus petit fait 100 mm et le plus grand 1,40 m », explique Franck Maillotte.
Pour réussir à gagner de nouveaux marchés, les techniques ont évolué pour offrir des solutions de plus en plus intéressantes et compétitives. La technique la plus répandue sur le sol français aujourd’hui est celle utilisant les UV. C’est ainsi chez Axéo TP, qui utilise Alphaliner, une gaine tractée polymérisée aux UV dans les canalisations qu’elles réhabilitent. L’autre technique, un peu moins répandue, consiste à polymérisée la gaine souple via de la vapeur. L’entreprise M3R utilise cette technique d’inversion à l’air suivi d’une polymérisation à la vapeur. « Ces différentes techniques nous permettent de réhabiliter des colonnes verticales dans des immeubles ou des petites sections de canalisation », indique Franck Maillotte. Cependant, la réhabilitation se déroule dans des canalisations dans lesquelles il est impossible pour un homme de se rendre. Le matériel et la technologie prennent alors une place prépondérante. Les entreprises spécialisées utilisent des robots, de la machinerie de haute-performance produite en Suisse, en Allemagne ou en France. M3R travaille ainsi avec l’entreprise lilloise Polygaine, mais « nous avons pas mal d’unités qui viennent d’un fournisseur allemand ». Le dirigeant de l’entreprise concède que l’investissement dans ce métier est très lourd, puisqu’un camion de chemisage coûte 400 000 € et une unité robotique télécommandée peut varier de 200 à près de 400 000 €. S’il faut rajouter un appareil d’inspection, « on arrive vite au million d’euros pour pouvoir faire quelque chose de complet », estime-t-il. Ainsi, il n’est pas toujours facile pour des entreprises de se lancer dans une activité de niche et la concurrence rude.
L’autre problème pointé par les spécialistes est la disparité entre les différentes régions voire les départements sur le chemisage. Il n’existe pas partout en métropole des entreprises spécialisées. « Certaines grosses agglomérations ont passé des marchés pluriannuels mais il y a aussi de tout petits villages qui sont orientés vers cette solution par des maîtres d’œuvres », enchaîne-t-il. Lucien Walther, d’Axeo TP, précise que, dans environ 70 % des départements français, le chemisage est rentré dans les mœurs. Si les grands groupes comme Veolia ou Suez Environnement ont bien compris l’intérêt d’acquérir une telle spécialité, les petites entreprises ont beaucoup plus de mal à se faire une place au soleil. En outre, faire du chemisage requiert des compétences pour le moins spécifiques. « Il faut deux ans de formation pour faire un bon opérateur », convient Lucien Walther d’Axeo. Il n’existe pas aujourd’hui d’école spécialisée ou même de formation sur ce thème. « Elles sont spécifiques aux entreprises », continue-t-il. Les fabricants de robots peuvent former les futurs opérateurs robotiques et le CSTB a émis des normes pour certifier les machines utilisées. « C’est un métier d’autodidacte », confirme Franck Maillotte qui ne recrute pas selon un profil particulier. « Nous essayons de trouver des gens qui sont volontaires », remarque-t-il, même si certaines spécificités peuvent aider, comme avoir un permis B ou connaître l’assainissement et savoir utiliser un logiciel pour manier le robot.
Si la réhabilitation est de plus en plus en vue, « le marché évolue », note Lucien Walther. Les grandes villes ne sont plus les seules à faire confiance à cette technique qui a fait ses preuves. Le besoin de rénover des canalisations d’assainissement plus que vieillissantes allié aux bonnes capacités du chemisage peut faire gagner de nouveaux marchés aux entreprises du secteur. « Dans 80 % des cas, nous ne sommes pas mis en concurrence avec la réhabilitation traditionnelle et, en règle générale, nous sommes beaucoup plus concurrentiels », souligne-t-il. Les collectivités ayant les poches vides, elles pourraient se rabattre vers ce mode de rénovation pour leurs réseaux.
Mathieu Liénard