En France, l’Etat estime les pertes dues aux fuites d’eau sur le réseau à environ 25 %. Les gestionnaires ont mis en place une politique ciblée pour détecter et réparer ce coût supplémentaire.
Partie 1
De plus en plus de pertes
Partie 2
Une gestion plus « intelligente »
Partie 3
Des appareils d’auscultation au gaz traceur
Partie 4
Optimiser le réseau
Un litre d’eau sur quatre perdu. Ce chiffre ressort des constats du ministère de l’Environnement. L’Etat fait tout aujourd’hui pour lutter contre ces pertes. Elles entraînent un affaiblissement du rendement. Globalement, d’après le ministère, les pertes dues aux fuites d’eau se chiffrent à environ 20 %. Mais sur certaines zones, elles atteignent 40 %. Sur les six milliards de mètre cube prélevés chaque année par les différentes collectivités et dont les gestionnaires de réseau doivent s’occuper, ces chiffres commencent à interpeller. Ces fuites sont grandement dues à un réseau vieillissant. Les quelques 856 000 km de réseaux sont âgés. Certains atteignent la centaine d’années dans les centres-ville comme celui de Paris. « Au terme d’un siècle de travaux et d’investissements coûteux, la connaissance de l’état du patrimoine ainsi que son renouvellement sont devenus un enjeu majeur », est-il indiqué sur le site Internet du ministère. Avec le Grenelle de l’environnement, il est désormais question de s’atteler à une diminution des pertes dues aux fuites d’eau. Incitation et participation financière à la réalisation des inventaires de réseaux, aide à la réalisation de diagnostic ou encore définition des pertes admissibles selon les caractéristiques et la nature de la ressource en eau doivent aider les gestionnaires à agir au mieux des intérêts des collectivités.
Désormais, il est question de réactivité et de technologies aussi avancées que possible pour ne pas laisser les fuites d’eau envahir les réseaux. « Il faut avoir un objectif de rendement de réseau », explique Frédéric Renaut, directeur d’exploitation à la Saur, l’un des trois grands exploitants français d’eau potable. S’il est difficile de quantifier la quantité d’eau perdue et le coût engendré par de telles pertes, le rendement est d’environ 80 % du réseau. « En milieu rural, nous sommes en moyenne à 79 % et entre 83 à 84 % en zone urbaine », poursuit-il. Chez Noréade, exploitant de réseaux dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le rendement est d’environ 78 %. Chacun se veut aussi transparent que possible dans ce domaine. La nature du terrain, argileux ou non, la casse due au gel et au dégel, le nombre d’abonnés raccordés et l’âge du réseau sont des données qui rentrent en ligne de compte pour calculer ce taux de rendement.
Le Grenelle de l’environnement a modifié les comportements des exploitants de réseaux. Ainsi, la Saur a décidé de passer par une gestion plus « intelligente » des 180 000 km de réseaux à sa charge. C’est aussi le cas de Noréade. L’activité de recherches de fuites se fait de manière permanente, y compris de nuit grâce à l’équipement des nœuds principaux avec des compteurs raccordés sur une supervision. « Chaque centre d’exploitation complète cette analyse par l’installation temporaire d’enregistreurs pour le réseau », souligne Dominique Wanegue, directeur des services exploitation eau chez le gestionnaire nordiste. Pour trouver la fuite, la Saur s’est aussi équipée de centres de pilotage opérationnels, permettant de rechercher à distance les variations de rendement et trouver les éventuelles fuites. Des compteurs télésurveillés sont fréquemment installés sur chaque maille du réseau. « Cela crée un classement qui inclut le volume d’eau ou le coût de la production de ce volume d’eau. Cela permet tous les matins d’organiser les recherches », note Frédéric Renaut.
Le travail le plus difficile est ensuite de trouver cette fuite. Pour cela, les techniques de recherches varient. Sectorisation acoustique, pré-localisation acoustique, corrélation acoustique, électro-acoustique ou encore gaz traceur sont autant de techniques existantes aujourd’hui pour rechercher et détecter les fuites d’eau. Des appareils d’auscultation équipés de microphones, des aquaphones ou des géophones, permettent de repérer aussi finement que possible la fuite sur le réseau. Chez les exploitants de réseau, la corrélation acoustique est la technique la plus utilisée. Deux microphones avec deux caractéristiques différentes vont écouter le bruit sur le réseau. « Les agents font un calcul pour pointer la fuite », indique Frédéric Renaut. L’entreprise va même plus loin : « Aujourd’hui, nous installons sur le réseau des corrélateurs à poste fixe. Nous rendons le réseau plus intelligent », ajoute-t-il. Noréade a aussi pris les devants en équipant certaines de ces équipes de corrélateurs afin de détecter les éventuelles fuites. « Un programme annuel est défini et c’est ainsi 5 % du patrimoine qui est expertisé chaque année », précise Dominique Wanegue. La réparation est la dernière phase de la détection. « Une fois que nous avons organisé la fuite au centre de pilotage opérationnel, nous savons de quel genre de compétence interne et externe nous avons besoin. », affirme-t-il. Le plus gros du travail consiste à creuser pour trouver la source de la fuite et ainsi la réparer. Il faut donc mobiliser des engins, tels des pelleteuses, pour parvenir à creuser jusqu’à la canalisation concernée.
« Nous rentrons dans une ère de gestion patrimoniale. Il faut mieux gérer le réseau », assure Frédéric Renaut. Le réseau s’étend chaque année de plus de 3 700 km et le renouvellement n’est assuré que sur environ 5 000 km. C’est trop peu d’après le ministère de l’Environnement. « Il faut optimiser le réseau pour optimiser sa durée de vie. Nous faisons plus de diagnostic », déclare-t-il. Avec une cartographie des réseaux intégrée pour intervenir rapidement, tout est presque en place pour parvenir à une meilleure exploitation de cette ressource. « Les interventions de réparation de fuites sont géolocalisées et intégrées à notre cartographie afin de mieux cibler notre renouvellement », souligne Dominique Wanegue. Economie d’eau, protection de la ressource et maîtrise des coûts de production sont les maîtres mots dans la question des fuites sur les réseaux.
Mathieu Liénard