Jacques DOLMAZON est depuis le 9 juillet 2009, Président de Canalisateurs de France. Il est également Président Directeur Général de l'entreprise Chapon TP (spécialisée dans la pose de canalisations).
Canalisateurs de France est signataire de la lettre ouverte aux maîtres d’ouvrage : cette lettre a pour but de les sensibiliser sur leurs responsabilités en matière de performance des réseaux d’assainissement.
Partie 1
Motivations pour cette initiative
Partie 2
Attentes et rôle de Canalisateurs de France
Partie 3
Les causes de la dégradation de la qualité des réseaux
Partie 4
Autres actions de sensibilisation
Partie 5
Le prix sur toute la chaîne de vie de l'ouvrage
Partie 6
Le Label Canalisateur
Qu’est ce qui a incité Canalisateurs de France à participer à cette initiative ?
Pour nous et les autres partenaires, la période actuelle est très difficile. Nous assistons à une baisse catastrophique des prix et à une perte de qualité dans les travaux réalisés. Cela se retrouve tant au niveau de la maîtrise d’œuvre, que des entreprises, et des contrôleurs de réseaux.
Nous voulons tirer la sonnette d’alarme à l’attention des maîtres d’ouvrage, afin de les alerter sur les risques qu’ils encourent en ayant trop souvent recours à une pratique de prix bas.
Nous avons également voulu participer à cette initiative suite au rapprochement que Canalisateurs de France a entrepris depuis quelques années avec la maîtrise d’œuvre privée. Nous voulons essayer de proposer ensemble des solutions pour améliorer la commande publique et la sécuriser.
Votre but premier est donc de lancer un cri d’alarme sur la maîtrise d’œuvre à bas prix ?
Pas uniquement sur la maîtrise d’œuvre à bas prix, mais aussi sur la réalisation des travaux et des contrôles à bas prix. C’est une mise en garde en direction de la maîtrise d’ouvrage car c’est elle qui fait le choix des différents prestataires.
Qu’attendez-vous concrètement de cette initiative ?
J’aimerais qu’il y ait une prise de conscience de la part de la maîtrise d’ouvrage.
Il faut que la qualité et les démarches qualité mises en œuvre par les opérateurs de contrôles de réseaux, les entreprises et les maîtres d’œuvre soient reconnues.
Pour Canalisateurs de France, cela consiste à prendre en compte le Label Canalisateur.
Pour le SYNCRA, (qui est un organisme accrédité COFRAC) il faut que leurs travaux en direction de la qualité soient reconnus et pris en compte.
Il me semble important de mettre en avant le fait que des entreprises se sont lancées dans des démarches ISO ou dans des démarches de labellisation. Cela montre qu’elles ont une volonté affichée de sécuriser la réalisation des travaux et d’apporter une assurance de qualité à la maîtrise d’ouvrage.
Quel a été le rôle de Canalisateurs de France dans la réalisation de cette lettre ?
Bien que n’étant pas à l’origine de la lettre, Canalisateurs de France s’associe pleinement à l’ensemble des signataires pour sensibiliser les maîtres d’ouvrages sur leurs responsabilités en matière de performance des réseaux d’assainissement.
Selon vous, quelles sont les causes de la dégradation de la qualité des réseaux depuis quelques années ?
La dégradation de la qualité des réseaux est due à plusieurs facteurs.
En premier lieu, depuis 2008 avec la crise, tous les acteurs du secteur sont craintifs, les prix sont donc très bas et, en principe la qualité s’en ressent.
Ensuite, on peut mettre en avant la disparition de la maîtrise d’œuvre publique qui était très présente dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. La maîtrise d’œuvre publique avait le mérite d’avoir une certaine stabilité. Les intervenants connaissaient les réseaux et les élus. Un travail en concertation était réalisé. Désormais
la maîtrise d’œuvre privée est soumise au code des marchés publics et agit comme les entreprises en proposant le prix le plus bas pour remporter les marchés. Dans les différentes collectivités, nous voyons les maîtres d’œuvre se succéder. Cela ne va pas dans le sens de la qualité d’exécution des réseaux. En effet, les préconisations des différents maîtres d’œuvres ne vont pas toujours dans le même sens. La disparition de la maîtrise d’œuvre publique engendre une perte de la connaissance des réseaux.
Pour finir, la réforme des collectivités territoriales laisse les élus dans l’expectative.
Cette conjonction de phénomènes entraîne une vision pessimiste pour l’avenir. Nous ne savons pas comment les projets d’eau et d’assainissement seront financés. Nous pensons que la mise en place du Grenelle 2 pour l’inventaire des patrimoines démontrera la nécessité du renouvellement des réseaux. Il faudra ensuite trouver des financements pour ces travaux. A l’heure actuelle nous sommes dans l’expectative : certains départements se désengagent et réduisent leurs aides. Ils n’ont pas la compétence dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Ainsi, certains favorisent le domaine social, alors que d’autres conservent leur volonté de participer au financement des opérations.
Avez-vous pour projet de mettre en place d’autres actions de sensibilisation ?
Le mois prochain des actions en relation avec la maîtrise d’œuvre sont prévues à Lyon. C’est la poursuite des rencontres que nous avons mis en place il y a 4 ou 5 ans et nous nous voyons une ou deux fois par an pour faire le point sur les avancées des uns et des autres. Cela permet de beaucoup échanger. Cette année, les contrôleurs de réseaux sont invités et cette discussion va être ouverte à certains maîtres d’ouvrage de manière à leur présenter ce que nos professions réalisent.
Lors de l’interview de Régis TAISNE (FNCCR), son mot d’ordre a été de dire qu’il fallait investir dès la construction sur des réseaux de qualité pour ne pas avoir à y revenir quelques années plus tard. En fait il voulait dire qu’il ne faut pas forcément regarder le prix dès le départ, mais plutôt regarder le prix sur toute la chaîne de vie de l’ouvrage. Est-ce que vous partagez également ce sentiment ?
Oui totalement, notamment en tant que citoyen.
Les investissements en matière d’eau et d’assainissement sont très lourds pour une collectivité. Les élus n’ont pas le droit de considérer le problème à la légère car ces investissements sont faits pour du long terme. Il ne faut pas regarder le prix seulement au moment de la réalisation mais sur la durée de vie de l’ouvrage. Il faut investir dans des réseaux de qualité dès le départ : si le réseau est mal conçu et réalisé, il faudra intervenir rapidement afin de récupérer les malfaçons. Cela a nécessairement un coût pour la collectivité.
Nous devons être responsables notamment vis-à-vis des générations à venir, nous nous devons de leur laisser des travaux de qualité. « Nos anciens » par exemple ont réalisé des réseaux fiables puisque certains d’entre eux fonctionnent encore même s’ils ont presque 100 ans. Si ces ouvrages avaient été mal conçus et mal réalisés à l’époque je pense qu’on aurait du les remplacer depuis longtemps.
Une dernière réflexion à ajouter ?
Pour nous cette démarche constitue un engagement très fort.
Cette année nous avons procédé à la refonte de notre Label Canalisateur. Ce Label Canalisateur doit inciter les entreprises à se lancer dans des démarches de qualité. Ce label comprend 4 niveaux de sélection, le bronze, l’argent, l’or et le platine. Notre but est d’inciter les entreprises à aller dans une démarche de progrès et nous nous adressons à tout type d’entreprise. Nous souhaitons que le Label Canalisateur fasse partie des documents reconnus au moment d’un appel d’offres.
Le Label Canalisateur existe depuis 20 ans. A l’origine, c’était la profession qui le délivrait aux entreprises. Aujourd’hui, nous avons mis en place une commission d’attribution du Label indépendante de Canalisateurs de France. Cette commission est présidée par un membre extérieur à Canalisateurs de France. Elle est composée de représentants de maîtres d’œuvre privés, d’agences de l’eau, de Gaz de France, de grandes villes et de Canalisateurs de France. Cette commission est souveraine dans ses choix et décisions, j’insiste sur ce point.
A noter : Lancement du site dédié au LABEL CANALISATEUR le 24 novembre 2010 www.labelcanalisateur.com
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