Selon un rapport d’État, les marchés liés au déploiement de la fibre optique devraient créer 19 250 emplois en France d’ici à 2022. La formation de ces professionnels est un enjeu de taille pour toute la filière.
Partie 1
Objectif « Très Haut Débit »
Partie 2
Nouvelle technologie, nouveaux métiers.
Partie 3
Des formations adaptées
Partie 4
Promouvoir le « French Model »
Présenté en 2013, le plan « France Très Haut Débit » inscrit le déploiement de la fibre optique comme un enjeu majeur d’aménagement du territoire et de compétitivité des entreprises tricolores. Très ambitieux, il s’est fixé comme objectif de couvrir 100% de la population en 2022, la moitié d’ici 2017. « L’État joue un rôle de pilotage et de coordination, se réjouit Jean-Christophe Nguyen van Sang, délégué général de la Fédération des Industriels des Réseaux d’Initiative Publique (FIRIP). La FIRIP s’engage aux côtés du gouvernement. Nous voulons réussir la création de cette infrastructure et des services qui y sont associés. » La formation est un challenge que le secteur prend à bras-le-corps. « La fibre est une nouvelle technologie, affirme Étienne Dugas, président de la FIRIP et du Groupe Marais. Elle peut véhiculer un très grand nombre de données avec un débit cent fois supérieur à celui du réseau cuivre. Nous devons concevoir des formations qui répondent aux besoins de nos entreprises. »
Tous s’accordent à dire que la fibre optique va modifier en profondeur la filière. Des métiers vont évoluer, d’autres seront créés. « Le Très Haut Débit mobilise des professionnels hautement qualifiés pour faire naître des projets, mener les études et procédures préalables au raccordement, installer les réseaux, réaliser les prestations de maintenance, développer des offres et services à destination des entreprises et des particuliers », énumère Hervé Rasclard, président du Syndicat Mixte Ardèche Drôme Numérique. Chez les opérateurs privés, des salariés élaborent des projets de déploiement dans les zones urbaines et périurbaines. Dans les zones rurales, les collectivités locales sont chargées de cette même mission. Pour cela, elles font appel à des salariés d’Orange, ou à des contractuels. Ces derniers sont parfois conseillés techniquement, financièrement et juridiquement par des assistants maîtrise d’ouvrage. Finalement, des entreprises telles que Vinci, Bouygues et Eiffage répondent aux appels d’offres des collectivités. « Ce sont des intégrateurs, précise Étienne Dugas. Ces grandes sociétés sollicitent l’aide d’entreprises de génie civil et d’équipementiers. » La fibre installée, divers opérateurs fournissent l’accès à cette technologie. « Lorsqu’une collectivité établit un réseau de fibre, elle est autorisée à l’exploiter directement ou à en commercialiser des services, continue-t-il. Elle devient opérateur d’opérateurs. » Partout, des opérateurs de services et de contenus vendront au détail des offres et services liés à la fibre optique. « Les fournisseurs d’accès à internet ont ce rôle, mais aussi toutes les entreprises de création de contenus inédits. » Car la filière entend développer les datacenters, les plateformes de télémédecine ou e-administration, et répondre aux enjeux de gestion et sécurisation des données. Enfin, des professionnels seront mobilisés pour entretenir ou rétablir le service.
Formations initiale, qualifiante, continue ou interne. La filière recrute et forme tous types de profils. La fibre optique représente « une formidable opportunité professionnelle tant au niveau des jeunes diplômés, de l’insertion des jeunes sans diplôme que des demandeurs d’emplois qui trouveront ainsi de nouveaux débouchés concrets sur des métiers à forte valeur ajoutée », a expliqué le Gouvernement dans un communiqué. Le pôle d’excellence rural Novea est précurseur. La structure a été créée en Basse Normandie en 2006, sous l’impulsion du Pays de la Baie du Mont Saint-Michel, de la communauté de communes de Mortain et de la Société Acome. Elle propose des formations qualifiantes, du niveau BEP au niveau licence, aux métiers de câbleur, raccordeur et technicien réseau. L’organisme assure aussi des sessions de formation continue pour les entreprises et collectivités qui souhaitent former leurs collaborateurs. Plus récemment, plusieurs autres plateformes techniques ont vu le jour en France. Dans les Yvelines, un accord a été signé entre le Conseil Général et la CCI régionale pour la création d’un plateau technique de formation à Aubergenville. Les stagiaires y apprennent les techniques d’installation de la fibre optique. La CCI du Cantal possède son centre de formation à Aurillac. Celui de la CCI de la Drôme, baptisé Neopolis, est à Valence. « Des formations courtes seront mises en place avant l’été dans le but de répondre aux besoins immédiats des entreprises », annonce Hervé Rasclard. « Nous souhaitons développer un plateau technique large pour permettre aux entreprises déjà sur le marché des réseaux de monter en compétences leurs équipes dans les domaines de la conception, du tranchage, du raccordement et du déploiement », ajoute Anne-Élisabeth Bureau-Habas de la CCI de la Drôme. Tandis que les grandes entreprises forment leurs salariés en interne, la FIRIP a signé une convention de partenariat avec ERDF le 13 février. « Les lignes aériennes seront utilisées comme support pour déployer la fibre optique, détaille Jean-Christophe Bonnard, en charge du Très Haut Débit chez ERDF. Nous allons ouvrir les portes de notre centre de formation de Sainte Tulle aux entreprises dès la rentrée 2014. Avec nos formateurs, leurs salariés vont acquérir des compétences électriques nécessaires à l’installation de la fibre sur des poteaux ERDF. » Enfin, la FIRIP sensibilise le ministère de l’Enseignement Supérieur afin qu’il développe des cursus destinés aux jeunes générations. En septembre 2013, l’école publique d’ingénieurs Télécom SudParis a par exemple ouvert une formation d’ingénieur dans le domaine des réseaux très haut débit en apprentissage.
« Depuis 2004, les collectivités peuvent mettre en place des réseaux d’initiative publique en matière d’aménagement numérique, rappelle Jean-Christophe Nguyen van Sang. Des projets sont financés à parité entre public et privé au travers d’une délégation de service public. Notre expérience intéresse de nombreux pays ». Les professionnels français, bientôt hautement qualifiés, vont pourvoir traiter des marchés dans le monde entier. « Cette filière d’excellence est à promouvoir à l’export, conclut Étienne Dugas. Nous irons déployer la fibre ailleurs et former les professionnels locaux. Là encore, des milliers d’emplois sont en jeu. »
Charlotte Malbranque