Les investigations complémentaires entraînent un surplus de travail. Entre une cartographie parfois incomplète et des rôles encore flous, exploitants de réseaux et entreprises de travaux publics cherchent encore leur rôle dans la gestion des investigations complémentaires.
Partie 1
De nouvelles contraintes
Partie 2
Des clients parfois désorientés
Partie 3
La détection pas vraiment utile
Partie 4
Des difficultés largement présentes
Partie 5
Une cartographie compliquée
Les choses ne sont pas aussi simples que la législation l’avait prévu. Au contraire, les contraintes et les nouveaux rôles à jouer pour chacun des acteurs concernés par les investigations complémentaires ont contribué à brouiller les cartes et à créer du retard chez certains. « Nous avons un wagon de retard, mais la volonté est là », avoue Ludovic Darras, responsable réseaux et voirie à Amiens Métropole. La capitale de la région Picardie connaît de grosses difficultés pour mettre à jour la cartographie des réseaux qu’elle exploite. Difficile de réaliser une cartographie complète pour les services de la ville puisqu’elle doit partir de zéro. Quant aux entreprises de travaux publics, elles doivent désormais gérer les chantiers, la détection de réseaux mais aussi parfois les questions de leurs clients. Il n’est pas rare pour certaines entreprises de travaux publics de répondre à des marchés dans lesquels la DT n’a pas été incluse. « La plupart du temps, les donneurs d’ordre découvrent les choses », explique Stéphane Houset, de chez Eiffage Travaux Publics RAA Rhône. La réforme DT-DICT, applicable depuis le 1er juillet 2012, ne joue donc pas encore pleinement son rôle.
Cette nouvelle réglementation engendre surplus de travail pour le maître d’œuvre. « Il y a beaucoup plus de travail pour le conducteur de travaux », concède Stéphane Houset. Eiffage a mis en place des aides pour répondre le plus précisément possible aux exigences de la réglementation DT-DICT. De même sur le chantier, la réforme demande plus de temps puisqu’il faut réaliser le repérage et le traçage des réseaux. Si la réforme a rallongé le temps avant le début d’un chantier, les investigations complémentaires ont eu très peu d’impact. « Nous avons quasiment autant d’accidents qu’avant. Nous nous faisons avoir quand les réseaux ne sont pas aux profondeurs indiqués, notamment au niveau des réseaux de gaz », explique-t-il. Seule une exactitude plus poussée des plans devra permettre aux entreprises de travaux publics d’avancer dans de meilleures conditions.
L’arrivée des investigations complémentaires dans la réforme a aussi poussé les entreprises de travaux publics à acheter du matériel de détection. « Aujourd’hui, nous trouvons du matériel de détection pour 80 % des réseaux. Cela nous aide, surtout pour la profondeur. Nous avons rarement recours à des entreprises de détection », indique-t-il. Avec 80 chantiers à gérer par semaine, le besoin de réaliser quotidiennement des détections pour vérifier des réseaux est indispensable. Impossible de passer par une entreprise spécialisée sauf en phase projet. « Sur une grosse opération, la détection est vraiment utile à ce moment-là pour faire coller le projet avec l’existant », précise-t-il. A cela s’ajoute la gestion des donneurs d’ordre. « Les plus gros sont conscients de l’importance des investigations complémentaires », note-t-il. Restent les plus petites communes ou communautés de communes, très souvent largement loin d’être au point sur la nouvelle réglementation et sur leur nouveau rôle en tant que maître d’ouvrage. « Ils ont tendance à nous l’inclure dans nos remises de prix », remarque-t-il. Tout passe donc à la charge du maître d’œuvre, ce qui ne change rien par rapport à ce qui se passait précédemment. Seuls les grands donneurs d’ordre ont compris cette difficulté et prennent une partie à leur charge.
Du côté des exploitants de réseaux, les choses sont aussi très difficiles. Les petits exploitants de réseaux ont d’ailleurs préféré éviter de répondre à nos questions. Mais même pour de grosses structures comme Amiens Métropole, les difficultés sont largement présentes. Pour la réalisation des investigations complémentaires, la ville a créé un service dédié. « Nous nous sommes divisés dans notre unité pour effectuer les investigations complémentaires en interne, selon les demandes », détaille Ludovic Darras. La ville possédait déjà le matériel adéquat, mais partait avec un déficit important concernant le réseau d’éclairage public. « En fonction de la DT, nous avons investi », poursuit-il. Du matériel de géoréférencement est ainsi arrivé dans l’escarcelle du nouveau service qui compte deux salariés à temps plein. Une restructuration nécessaire pour l’application des obligations légales réclamées par la nouvelle réforme. Cette restructuration a également un impact sur les autres services puisque le bureau d’études de la ville doit créer un nouveau marché pour les gros projets.
La nouvelle réglementation impose des règles strictes. Notamment la nécessité de répondre dans les neuf jours. Le nouveau service fait son possible pour être dans les temps. La chose se complique très largement en ce qui concerne la cartographie, la ville partant de zéro. « C’est normal. Tout le monde n’est pas encore au fait de l’évolution », affirme-t-il. La réactivité est nécessaire, mais Ludovic Darras avoue qu’il est encore aujourd’hui difficile au nouveau service d’être efficace. « La cartographie n’est pas encore au point. Nous sommes en train de structurer notre SIG pour le faire aussi bien que possible », rappelle-t-il. Si les choses ont bien démarré, il va falloir du temps à la ville pour que sa cartographie soit complète. Tout cela sera fonction de la remise des plans de récolement, des relevés qui prennent beaucoup de temps. De plus, tant que ces plans de récolement ne seront pas effectués, impossible pour la ville de faire de la classe A ou même B. « Automatiquement, c’est classé en C car nous ne les connaissons pas », poursuit-il. Il faudra donc attendre une cartographie complète et une intégration au SIG pour avoir un classement en A. « Ce n’est que le début pour nous », conclut-il.
Mathieu Liénard