La mise en place de la nouvelle réglementation DT-DICT a changé les habitudes. Désormais, la protection et la signalisation des réseaux sont l’affaire de tous. Une évolution qui bouleverse ce marché très particulier.
Partie 1
Un changement des mentalités
Partie 2
Le but ultime : la protection
Partie 3
La technologie évolue
Partie 4
Gagner de nouveaux marchés
Cette référence revient souvent dans la bouche des différents acteurs des travaux publics. Avec 100 000 endommagements de réseaux sensibles par an, la France connaissait régulièrement des accidents graves. Si sur une canalisation d’eau, cela n’entraîne qu’une inondation, des accidents, comme celui de Bondy en 2007 où l’arrachage d’une canalisation de gaz avait coûté la vie à un ouvrier, peuvent encore arriver. Néanmoins, depuis la mise en place de la réforme DT-DICT en juillet 2012 et la norme anti-endommagement qui l’a suivie, les choses ont commencé à changer. Cette nouvelle législation a provoqué un changement des mentalités et la protection des réseaux s’en est trouvée renforcée. « En France, nous sommes précurseurs sur ce sujet-là », souligne Jean-Michel Parellada, Président de Samex, une des entreprises françaises leaders dans ces systèmes de protection de réseaux. Pour les entreprises de travaux publics, le gain n’est pas non plus négligeable. « Avant le maître d’ouvrage n’était pas forcément toujours au fait des problèmes des réseaux enterrés existants. Aujourd’hui, nous nous sentons moins seuls et les réseaux enterrés sont considérés beaucoup plus en amont dans les affaires », affirme Yannick Joubeaux, gérant de l’entreprise de TP Joubeaux.
C’est bien là le principal gain de la réforme anti-endommagement des réseaux. Désormais, le maître d’ouvrage ne peut plus fermer les yeux sur les réseaux enterrés, qu’ils soient sensibles ou non. « Nos clients doivent être conscients de la réalité quotidienne. Les réseaux enterrés sont très peu pris en compte, même dans les projets de grande taille », ne manque pas d’ajouter le gérant de Joubeaux. Avant chaque chantier, le maître d’ouvrage n’a plus à faire peser le risque sur le maître d’œuvre. Au maître d’ouvrage revient maintenant la responsabilité de regarder tous les réseaux qui doivent être considérés avant le lancement des travaux grâce à la DT. « Avant, l’entreprise devait supporter cela. Il en allait de notre savoir-faire », ajoute-t-il. Si le but ultime est la protection des réseaux afin de faire baisser le nombre d’endommagements, cela a surtout rendu le système plus équitable, y compris dans le chiffrage des projets. D’ailleurs, Yannick Joubeaux sent que des changements s’annoncent, y compris dans les futurs appels d’offre : « Pour les réseaux existants, dans le futur, il y aura des lots spécifiques pour la détection de réseau ».
Les réseaux enterrés étant une donnée à ne pas négliger depuis la nouvelle réglementation, les entreprises spécialisées ont développé de nouvelles technologies. Les grillages avertisseurs, posés juste au-dessus d’une canalisation avec la couleur appropriée aux réseaux (le rouge pour l’électricité par exemple, le bleu pour l’eau, le marron pour l’assainissement ou encore le jaune pour le gaz), restent la méthode la plus clairement identifiée. Lorsqu’une entreprise doit faire une tranchée dans une voirie, l’opérateur saura en arrivant à ce grillage que quelques dizaines de centimètres en-dessous se trouve une canalisation. L’autre technique consiste en l’utilisation de plaques en polyéthylène aux couleurs du réseau sensible qu’elles recouvrent. L’opération est la même que pour le grillage avertisseur. « Il y a eu une évolution des outils de détection », note Jean-Michel Parellada, de l’entreprise Samex. La société a fait partie des groupes de travail de l’Agence française de normalisation sur le développement de la norme anti-endommagement. Au-delà de ses matériels primaires, elle a développé des outils beaucoup plus sophistiqués, comme un fil traceur pour détecter la position des réseaux. L’entreprise Courant, leader français des grillages avertisseurs, a développé le même système sur ces grillages. L’autre système développé est un fil posé sur la canalisation. « C’est un système de détection haute-performance », précise Alain Cottar, responsable marketing chez Courant. Ce fil est relié à différents boîtiers sur toute la canalisation. « Nous allons pouvoir y injecter un signal basse fréquence. Nous allons pouvoir repérer le fil et classer l’ouvrage avec une précision de dix centimètres en surface », explique-t-il avant d’ajouter : « Ce système est le plus performant du marché ». Et ce n’est pas fini puisque la technologie continue à évoluer. « Ce marché va complètement exploser. Il y a une partie des acteurs qui va être mobilisée pour identifier tous les réseaux sensibles », ajoute-t-il. Si Courant a déjà des premiers contacts avec des opérateurs d’eau ou des sociétés d’autoroute, la société investit massivement dans ce secteur. « Si nous mettons les moyens, c’est pour qu’il y ait une continuité. Il y a d’autres technologies et nous allons les mettre en avant », insiste-t-il.
Le but avoué et ultime d’un tel avancement technologique reste de gagner de nouveaux marchés. Avec l’arrivée de la nouvelle réglementation, « le marché a été complètement bousculé », selon Alain Cottar. Les entreprises spécialisées sont au cœur de cette actualité car, une fois encore, les maîtres d’ouvrage sont plus sensibilisés que par le passé aux réseaux enterrés et à leur protection. « L’évolution ne peut passer que par un renforcement de la législation », complète Yannick Joubeaux car la réglementation DT-DICT oblige désormais les acteurs à anticiper. Le temps est donc à la prévention, même si des évolutions seront encore nécessaires et indispensables. Evolutions qui ne pourront venir, selon Yannick Joubeaux, qu’avec l’aide du législateur, mais qui pourront peut-être servir de leçon à d’autres pays.
Mathieu Liénard