La réforme anti-endommagement des réseaux fait-elle évoluer la mission des Dreal ?
Les missions et le rôle des Dreal ne changent pas, nous sommes toujours chargés de faire appliquer la réglementation. Mais le contexte a changé. Nous avions, jusqu'à l'adoption de cette réforme, un texte datant de 1991 qu'il fallait faire évoluer. L'arrêté du 15 février 2012 le remplace, il est plus précis et de plus son application s'appuie sur une norme, la NF S70-003-1, et sur un guide technique de 165 pages, qui contient les règles de l'art pour chaque acteur concerné : maître d'ouvrage, entreprise de travaux publics, opérateur de réseaux...
Quel a été votre rôle dans la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation ?
En décembre 2010, avant que la réglementation ne sorte, nous avons organisé un colloque auquel participait le Bureau de la sécurité des équipements industriels (BSEI), le rédacteur du texte. La majorité des Dreal a fait de même l'année suivante. Nous avons également organisé des formations à destination des collectivités et des entreprises de travaux publics, au total une dizaine de sessions entre 2011 et 2012. Par ailleurs, nous avons mis en téléchargement sur notre site internet tous les documents relatifs à la réforme : textes réglementaires, brochures explicatives, etc. En parallèle, nous avons préparé les courriers envoyés par les préfets de départements aux collectivités afin d'expliquer les contours de cette réforme. Nous assistons également aux réunions de l'observatoire régional. Ce dernier a mis en évidence que depuis le mois de juillet seuls 40 % des maîtres d'ouvrage avaient compris les nouvelles règles. Parmi les petites communes, il y a encore du travail d'information à faire et il est probable que de nouvelles réunions soient organisées.
Êtes-vous davantage sollicités depuis l'entrée en vigueur de cette réglementation ?
Cet été nous avons été souvent sollicités au téléphone dans le cadre de l'enregistrement au guichet unique, mais aussi pour des questions d'interprétation réglementaire. La majorité des contacts concernaient des petites collectivités. Pour les assister lors de cet enregistrement au guichet unique, un mode d'emploi avait été mis en ligne et une hotline mise en place. Cette tâche a été confiée à l'Ineris, qui a dédié 7 personnes à ce service. L'assistance était assurée soit par téléphone de 9h à 16h30, soit par messagerie, la réponse étant dans ce cas apportée sous 5 jours. À présent, il est envisagé de mettre à disposition une page « questions/réponses » avec des réponses validées par le BSEI. Nous devrions être moins saisis de questions répétitives.
Avez-vous été amenés à enquêter sur d'éventuels incidents lors de travaux ?
Nous avons eu un incident en août, sans gravité majeure, à Sablé-sur-Sarthe, sur une canalisation de GRTgaz. Mais comme la canalisation alimentait un site industriel, l'opérateur est intervenu dans les 24 h. Nous avons eu l'information en même temps que la réparation avait lieu. Pour mener une enquête, il faut pouvoir être réactif afin de faire un constat le jour même en présence des acteurs de l'incident et de prendre des photos. C'est indispensable pour appuyer des suites administratives à moins qu'une enquête judiciaire ne soit menée en parallèle. L'an dernier, une maison a été détruite suite à l'endommagement d'une canalisation de gaz. Dans ce cas, nous n'avons pas accès au site tant que l'enquête judiciaire est en cours.
Avez-vous déjà sanctionné certains acteurs ne respectant pas cette nouvelle réglementation ?
Le ministère nous a demandé de montrer une certaine la tolérance pour l'année 2012. Cette année, il s'agit d'abord d'accompagner la mesure. En revanche, dès l'année prochaine nous aurons des objectifs de visites de chantiers inopinées à effectuer et il y aura une sanction* systématique si nous constatons des infractions. Du moins pour celles qui mettent en jeu la sécurité.
* amendes administratives de 1 500 € réprimant les infractions de tous les acteurs (maîtres d’ouvrage, exploitants de réseaux, entreprises de travaux) en complément des sanctions pénales existantes, jusqu'à 75 000 € et 6 mois d'emprisonnement.
Avez-vous un rôle de médiateur en cas de désaccords entre acteurs concernés par cette réglementation ?
Effectivement, nous avons un rôle de médiation entre les différentes parties, mais en amont des projets. Nous sommes plutôt amenés à faire de l'interprétation des textes réglementaires. En effet, les différentes parties ne comprennent pas toujours la réglementation de la même façon, pour savoir par exemple qui doit prendre en charge telle ou telle investigation complémentaire. Par contre, en cas d'endommagements, la Dreal n'aura pas rôle de médiation en cas de désaccord pour déterminer les responsabilités, ceci relèvera de la compétence des tribunaux.
Vincent Boulanger