a) le cadre juridique et l’application dans le temps
La loi n°2010-788 du 12 juillet 2010
portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle 2 a créé, dans le titre V livre V du Code de l'Environnement consacré à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances, un chapitre IV relatif à la « sécurité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution » (articles L.554-1 à L.554-5 du code de l'environnement
).
L'article L.554-1 du code de l'environnement
dispose notamment que :
« I. Les travaux réalisés à proximité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution sont effectués dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la continuité de fonctionnement de ces réseaux, à l'environnement, à la sécurité des travailleurs et des populations situées à proximité du chantier ou à la vie économique.
II. Lorsque des travaux sont réalisés à proximité d'un réseau mentionné au I., des dispositions techniques et organisationnelles sont mises en œuvre, dès le début du projet et jusqu'à son achèvement, sous leur responsabilité et à leurs frais, par le responsable du projet de travaux, par les exploitants des réseaux et par les entreprises exécutant les travaux.
Lorsque la position des réseaux n'est pas connue avec une précision suffisante pour mettre en œuvre l'alinéa précédent, des dispositions particulières sont appliquées par le responsable du projet de travaux pour respecter l'objectif prévu au I.
III. Des mesures contractuelles sont prises par les responsables du projet de travaux pour que les entreprises exécutant les travaux ne subissent pas de préjudices liés au respect des obligations prévues au II, notamment en cas de découverte fortuite d'un réseau durant les chantiers ou en cas d'écart notable entre les informations relatives au positionnement des réseaux communiquées avant le chantier par le responsable du projet de travaux et la situation constatée en cours du chantier.
Le responsable du projet de travaux supporte toutes les charges induites par la mise en œuvre de ces mesures, y compris en ce qui concerne le déroulement du chantier.
Aux termes de l'article L.554-2, il est instauré au sein de l'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques, dans le cadre d'une mission de service public qui lui est confiée pour contribuer à la préservation de la sécurité des réseaux, un guichet unique rassemblant les éléments nécessaires à l'identification des exploitants des réseaux
mentionné au paragraphe I de l'article L.554-1. »
L'arrêté n° 2010-1600 du 20 décembre 2010
a fixé les modalités de fonctionnement du guichet unique qui collecte depuis le 1er septembre 2011
les coordonnées des exploitants de tous les réseaux implantés en France et les tracés géo référencés de ces réseaux.
Ainsi, les maîtres d'ouvrage et entreprises prévoyant l'exécution de travaux à proximité de réseaux, peuvent avoir accès gratuitement et instantanément aux informations enregistrées, en consultant le téléservice www.reseaux-et-canalisations.gouv.fr
ou un prestataire de services.
A partir du 1er juillet 2012
, le décret du 14 octobre 1991 est remplacé par le décret n° 2011-1231 du 5 octobre 2011
, dit décret DT-DICT, abrogeant et remplaçant le décret du 14 octobre 1991 (articles R.554-1 à R.554-38 du code de l’environnement
).
Les dispositions des articles R.554-35 à R.554-37
, qui prévoient des sanctions administratives en cas d’infractions à certaines dispositions du décret, n’entreront toutefois en application que le 1er janvier 2013
.
L'arrêté d'application du décret DT-DICT, en date du 15 février 2012
précise les dispositions contenues dans le nouveau décret et abroge l’arrêté du 16 novembre 1994, à l’exception des dispositions des plans de zonage qui restent applicables jusqu’au 1er juillet 2013
.
Par ailleurs, une norme AFNOR NF 70-003
est en cours de finalisation concernant la préparation et la mise en œuvre des travaux à proximité des réseaux, dont une partie des dispositions au moins s’imposera à tous.
De plus, conformément à l'article R.554-29 du code de l'environnement
, la réalisation des travaux à proximité des réseaux sera encadrée par des recommandations techniques
reprises dans un guide
qui sera approuvé par arrêté et dont certaines prescriptions seront obligatoires.
Enfin, pour prolonger l'action des structures informelles dénommées « observatoires DT-DICT » instaurées en 2001, il a été créé, le 23 février 2011
, sous la forme d’une association, un nouvel observatoire national DT-DICT
, pour notamment sensibiliser les intervenants aux règles de sécurité et à la nouvelle réglementation.
b) un ré équilibrage des obligations des intervenants
Avant la réforme et à défaut de règles suffisamment précises, il s’avérait en pratique que l’essentiel des obligations et donc des responsabilités consécutives pesaient sur les entreprises de travaux.
La nouvelle réglementation veille à impliquer, globalement avec plus d’égalité, les trois intervenants principaux, à savoir le responsable du projet (le maître d'ouvrage), l’exploitant et l'exécutant des travaux (l'entreprise de travaux).
En effet, il est imposé des obligations accrues à l'exploitant et au responsable du projet durant la phase de l’appel d’offres puis de celles de la préparation du chantier.
Ainsi l'exploitant doit, outre alimenter le guichet unique avec ses coordonnées et les zones d'implantation de ses réseaux,
- tenir ces informations à jour en permanence,
- répondre à la déclaration de projet de travaux (D.T.) effectuée par le responsable du projet et la Déclaration d'Intention de Commencement de Travaux (D.I.C.T.) effectuée par l'entrepreneur en y joignant des conseils selon la nature du projet (pour DT) et des recommandations selon les techniques de travaux prévus (pour la DICT), ainsi que des données de localisation,
- anticiper les situations accidentelles et adapter si nécessaire son réseau ou son organisation.
S’agissant des données de localisation à fournir par l’exploitant dans les réponses aux DT et DICT, le principe consiste en l’envoi d’un plan.
A défaut, l’exploitant doit prévoir d’apporter les informations relatives à la localisation de l’ouvrage dans le cadre d’une réunion sur site pour un repérage précis des réseaux et effectuer le marquage et le piquetage du chantier.
Les réponses aux DT et DICT mentionnent également le degré de précision cartographique des ouvrages en service, en fonction de l’incertitude maximale admise (réseau en classe A, B ou C).
Quant au responsable du projet, il doit participer concrètement et financièrement à la localisation des réseaux (analyse de la réponse à la DT, réalisation d’éventuelles investigations complémentaires ou insertion de clauses techniques et financières dans le marché, marquage et piquetage sur le site et à ses frais à partir des données fournies en réponse aux DT et DICT) et supporter les conséquences de la découverte après la commande de travaux, d’un ouvrage entraînant un arrêt du chantier de manière à ce que l’entreprise ne subisse pas de préjudice.
c) les principales nouveautés
Des dispositions du décret du 5 octobre 2011 et de l'arrêté du 15 février 2012, on retiendra notamment les innovations suivantes :
- une meilleure coordination des DT et DICT
En remplacement des formulaires CERFA utilisés jusqu'à lors par les responsables de projet et les entreprises de travaux pour interroger les exploitants sur la localisation de leurs ouvrages et dénommés Demandes de Renseignements (D.R.) et Déclaration d'Intention de Commencement de Travaux (D.I.C.T.), un nouveau formulaire unique, qui a été expérimenté sur les territoires des agglomérations d'Orléans et de Perpignan, servira pour les D.T. et D.I.C.T.
A partir de la réponse à la DT, il analyse la localisation des ouvrages.
Si l'ouvrage n'est pas localisé assez précisément, le responsable du projet fait procéder à des investigations complémentaires ou prévoit des clauses spéciales techniques et financières dans le marché.
Toutes les données disponibles sont jointes au dossier de consultation des entreprises de manière à permettre à l’exécutant des travaux d’adapter son offre.
Si elle est retenue par le responsable du projet, l’entrepreneur consulte alors le guichet unique et envoie une DICT à chaque exploitant qui a répondu à la DT.
Il pourra ensuite préparer le chantier en fonction des informations reçues de l'exploitant dans le récépissé de DICT, sur la localisation des réseaux et les recommandations visant à prévenir leur endommagement.
On précisera que, pour les ouvrages considérés comme « sensibles à la sécurité », c'est-à-dire ceux destinés au transport notamment d’hydrocarbures, de produits chimiques, de gaz combustibles et d’électricité, les travaux ne peuvent être entrepris avant l’obtention de tous les récépissés de DICT.
- la réalisation d’investigations complémentaires, l’introduction de clauses techniques et financières dans les marchés et l’amélioration de la cartographie
Les exploitants doivent mettre en œuvre une cartographie précise (à partir des relevés topographiques géoréférencés par un prestataire certifié) de tous les réseaux mis en service à compter du 1er juillet 2012 (obligatoirement en classe A, soit une incertitude maximale de 40 cm pour un ouvrage rigide et de 50 cm pour un ouvrage souple) et améliorer progressivement celle des réseaux existants (pour les réseaux enterrés en service, dispositions applicables à compter du 1er juillet 2013).
Dans l'hypothèse où l'exploitant ne fournit pas, avec sa réponse à la DT, d'informations suffisantes sur la localisation du réseau (en classe B ou C), il doit être procédé à des investigations complémentaires par une entreprise certifiée, à la demande du responsable du projet qui, à défaut, doit inclure des clauses techniques et financières dans le marché.
Le résultat de ces investigations sera inscrit dans le dossier de consultation des entreprises, puis transmis aux exploitants pour leur permettre de mettre leur cartographie à jour.
- l’ajournement des travaux en cas de danger
En cas de découverte après la commande de travaux ou la signature du marché, d’un ouvrage ou de constat d’écart par rapport aux informations fournies, le responsable du projet doit en être informé par écrit.
S’il s’agit d’un ouvrage sensible, il doit surseoir à l’exécution des travaux adjacents jusqu'à décision écrite du responsable du projet sur les mesures à prendre.
- des techniques de travaux adaptés et la formation des personnels à proximité des réseaux sensibles
L’entreprise devra respecter les recommandations et prescriptions du guide technique concernant les méthodes et modalités de réalisation des travaux et investigations.
Elle doit informer son personnel des données résultant des récépissés de DICT, dont un exemplaire doit être conservé sur le chantier.
A partir du 1er janvier 2017
, certains salariés (dont tous ceux réalisant des travaux urgents) devront disposer d’une « autorisation d’intervention à proximité de réseaux » obtenue après réussite d’un examen passé à la suite d’une formation.
a) l’espoir d’une réduction croissante des dommages
On peut espérer que les nouvelles règles visant à encadrer la préparation et l’exécution des travaux effectués à proximité des réseaux et à améliorer leur cartographie entraîneront une diminution notable et croissante des endommagements des réseaux.
b) la subsistance des litiges actuels
Pour autant, la réforme ne devrait pas malheureusement mettre fin aux litiges opposant régulièrement les exploitants et les entrepreneurs.
Compte tenu de la définition plus précise des obligations respectives de chacun des intervenants, il ne pourra certes plus être utilement soutenu que les entrepreneurs doivent supporter seuls les conséquences des défauts de localisation des réseaux.
Mais, chaque fois qu’un réseau sera endommagé, le principe restera celui de la responsabilité de plein droit de l'entreprise ayant exécuté les travaux incriminés (compétence principale de la juridiction administrative saisie par l’exploitant considéré comme un tiers victime d'un dommage de travaux publics) ou de sa responsabilité présumée (en cas de saisine de la juridiction judiciaire, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil).
L’entrepreneur devra donc démontrer, pour s'en exonérer totalement (en cas de force majeure) ou partiellement, l’existence de faits exonératoires de sa responsabilité constitués par des fautes, notamment dans le respect des dispositions légales, réglementaires et contractuelles, commises par l'exploitant (équivalent à la victime) ou un tiers y compris le responsable de travaux (pas d’exonération partielle en raison du fait d’un tiers).
Néanmoins, en plus des faits exonératoires opposés actuellement aux exploitants (absence de réponse à la DICT, ouvrage non représenté ou mal localisé sur le plan fourni avec le récépissé de DICT, absence de recommandations techniques, ouvrage posé de manière non conforme à la réglementation...), les nouvelles règles devraient permettre aux entrepreneurs d’en invoquer d’autres (absence de transmission de toutes les données de localisation, absence d’anticipation des situations accidentelles, erreur dans le marquage ou le piquetage…).
En cas d’action introduite par une autre victime d’un dommage que l’exploitant, les entrepreneurs pourront en outre envisager un appel en garantie ou un recours subrogatoire à l’encontre des responsables du préjudice.
c) l’apparition de nouveaux litiges
Les dispositions nouvelles pourraient par ailleurs donner lieu à des litiges nouveaux.
En effet, le nouveau processus mis en place par la réforme est plus complexe que celui du décret de 1991 du fait de l’augmentation du nombre d'étapes à suivre durant les deux phases de l’appel d’offres (DT) et de la préparation du chantier (DICT), de la diversité de délais à respecter (pour la transmission et le renouvellement des DT et DICT, les réponses aux DT et aux DICT, la fourniture d'informations sur le résultat des investigations complémentaires et la mise à jour de la cartographie), de la distinction de situations (ouvrage sensible ou non, réseau de classes A, B ou C…).
Il connaît de surcroît des exceptions notamment en cas de travaux urgents (« effectués en cas d’urgence justifiée par la sécurité, la continuité du service public ou la sauvegarde des personnes ou des biens ou en cas de force majeure »), pour lesquels la réglementation maintient le principe de la dispense de dépôt d’une DICT mais n’a pas trouvé de solutions suffisantes pour éviter des dommages.
II est à craindre en conséquence que les multiples dispositions et stipulations, résultant de la loi, du décret, de l’arrêté, de la norme AFNOR, du guide technique et des marchés de travaux, ne soient pas, même de bonne foi, toujours respectées.
Le cas échéant, il faut s'attendre, en cas de préjudices, à des réclamations diverses des trois intervenants, y compris indépendantes de tout endommagement de réseau (concernant par exemple le financement des investigations, la modification des projets de travaux ou le report du planning des travaux).
On peut de plus imaginer l’introduction de procédures d’urgence pour contraindre, éventuellement sous astreinte, des intervenants à exécuter leurs obligations (par exemple, un exploitant à transmettre la réponse à une DICT, à défaut de laquelle les travaux ne peuvent commencer à proximité d’un réseau sensible ou un responsable de projet à procéder au marquage ou au piquetage).