Elles ont permis de développer une profession, de nouvelles entreprises dans la détection de réseaux se sont créées, elles engendrent un coût supplémentaire pour les maîtres d’ouvrages… Les investigations complémentaires sont loin de faire l’unanimité.
Partie 1
Investigations complémentaires : un des axes priotitaires de la réforme DT-DICT
Partie 2
Les investigations complémentaires, un très gros gâteau
Partie 3
Le coût des IC pour le maître d’ouvrage
Partie 4
Vers des appels d’offres spécifiques
Le recours aux investigations complémentaires est un des axes prioritaires de la réforme DT-DICT, un point sur lequel les avis sont plus que contrastés et qui est loin de laisser insensible les acteurs des travaux publics. En effet, depuis le 1er juillet 2012, la réforme DT-DICT implique qu’une recherche effective de l’emplacement des réseaux soit réalisée lorsque la cartographie des réseaux enterrés n’est pas assez précise pour mener les travaux en toute sécurité. Les maîtres d’ouvrages voient ainsi leurs responsabilités augmenter puisqu’ils en ont directement la charge.
« De manière générale, les investigations complémentaires sont une espèce d’usine à gaz qui implique une obligation de détecter les réseaux », estime Benoît Gutton, gérant de l’entreprise spécialisée en détection de réseaux DDR et vice-président de la Fédération nationale des entreprises de détection de réseaux (la FNEDRE). Si dans les entreprises spécialisées, les investigations complémentaires sont loin de faire l’unanimité, il en est de même chez les maîtres d’ouvrage. « Cette réforme a eu un impact important du point de vue financier dans un premier temps qui peut s’élever à 8% du montant d’un chantier », souligne Denis Paris, responsable des espaces publics, de la voirie et de l’eau à la communauté urbaine de Lille.
Les conséquences des investigations complémentaires sont donc loin d’être négligeables. Du côté des entreprises de détection de réseaux, ces dernières ont dû s’adapter à une concurrence en forte hausse. « Avant la réforme, nous étions une dizaine d’entreprises en France », explique Benoît Gutton. Aujourd’hui, les entreprises pullulent, avec l’arrivée de sociétés tirant profit de ce nouveau métier en pleine construction. D’ailleurs, « je n’ai pas constaté une augmentation de la demande » en investigations complémentaires, note-t-il en ajoutant : « Nous avons toujours bien travaillé sans la réforme ». La multiplication des entreprises de détection et le « très gros gâteau » des investigations complémentaires ont changé les mœurs. Il reconnaît que la volonté des maîtres d’ouvrage est là pour remplir l’obligation de détecter tous les réseaux avant un chantier. Mais en période de crise, « il y a un effet de gamme et certains achètent au moins-disant ». Il faut dire que les maîtres d’ouvrage, que sont, en règle générale, les collectivités, s’attendaient à une mauvaise surprise avec la réforme.
Le coût financier est là, mais également les changements dans l’organisation pour les maîtres d’ouvrage. « Avant, l’obligation de DICT s’effectuait par l’entreprise qui réalisait les travaux. Nous avions obligation de faire une DR, mais les investigations complémentaires, nous n’étions pas obligés de les faire », note Denis Paris. La réforme a tout reporté sur le maître d’ouvrage qui doit supporter également le coût des IC. Sur ce point, il affirme aussi que les réponses se font aujourd’hui uniquement en classe B. Répondre en classe A (NDLR : incertitude maximale de localisation inférieure à +/- 40 cm (réseau rigide) ou +/- 50 cm (réseau flexible)), « c’est très compliqué. Il faut avoir une connaissance des réseaux et quand on ouvre une tranchée en centre-ville, personne ne sait ce qu’il y a dessous ». Et ce n’est pas fini puisque les obligations réglementaires pullulent. Une fois les IC réalisées, le maître d’ouvrage a neuf jours pour transmettre les résultats à l’exploitant et ce lui-ci a six mois pour mettre à jour sa cartographie. La communauté urbaine de Lille, elle-même exploitant de réseau, Denis Paris assure n’avoir jamais vu revenir « aucun retour sur les investigations complémentaires qui ont pu être effectuées par un maître d’ouvrage autre que nous ».
Entreprises spécialisées et maîtres d’ouvrage se rejoignent sur un même point, celui de la nécessité de faire des appels d’offre spécifiques pour les IC. La communauté urbaine de Lille a ainsi lancé un marché expérimental spécifique en 2013. Deux candidats ont été retenus qui ont permis de faire des relevés de réseaux. Un premier pas qui doit être consolidé et qui devrait permettre de renforcer le métier des sociétés spécialisées dans ce domaine. « Il y a quelques rares marchés, peut-être une centaine en France », explique Benoît Gutton, qui se voit souvent commander les IC par des exploitants de réseaux. « Quand on fait de la détection de réseaux pour un maître d’ouvrage, il faut du multi-matériel et avoir un ensemble des connaissances de base », poursuit-il. Il milite pour que la détection de réseaux devienne un métier à part entière pour éviter de futures erreurs. « Demain, on peut laisser n’importe qui faire les investigations complémentaires et faire de la mauvaise cartographie. Il faut absolument faire la chasse aux opportunistes », ajoute-t-il. Car Denis Paris relève que même les entreprises de travaux publics se mettent à la détection en vue de glaner des investigations complémentaires. « Elles ont bien compris leur avantage et elles vont investir dedans. Les techniques d’IC intrusives, ils savent déjà faire », précise-t-il.
Benoît Gutton relève que les IC sont, pour l’instant, « un doux rêve » puisque les entreprises spécialisées sont limitées. Elles n’ont ainsi pas la possibilité d’aller jusqu’au bout de leurs relevés. C’est le cas lors de relevés de réseaux électriques, les entreprises de détection ne peuvent pas rentrer dans les postes électriques. « Nous sommes pour les IC, mais il faut rompre le lien qui oblige le maître d’ouvrage à faire remonter l’information vers l’exploitant », indique-t-il. Il milite pour de l’information patrimoniale avec des points de contrôle de manière à ce que ces IC deviennent informatives pour l’exploitant. « La détection de réseaux est très efficace, mais on nous fait faire n’importe quoi », conclut-il.
Mathieu Liénard