Remblayer et compacter une tranchée doit clore un chantier. La réalisation de cette double opération a bien évolué, mais se trouve encore fortement sous-estimée par certains maîtres d’œuvre.
Partie 1
Opération essentielle
Partie 2
Des techniques différentes
Partie 3
Les auto-compactants se démocratisent
Partie 4
Des contrôles imposés
Partie 5
Ne pas rechigner sur la qualité
Bon nombre d’automobilistes ont déjà été confrontés à ces tranchées ou à ces trous mal rebouchés. C’est une plaie pour les pneus et les suspensions de voiture, mais aussi pour les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre. Avec la crise, certains rechignent à mener ces deux opérations correctement à terme. « Si les remblais ne sont pas bien compactés, on peut imaginer le problème. C’est la partie la plus contraignante » du chantier, explique Pierre Brockly, délégué régional pour la Lorraine des Canalisateurs de France. C’est une opération dont l’importance se révèle pourtant insoupçonnée. Dernière mise en œuvre sur un chantier lorsqu’une tranchée a été ouverte, elle requiert soit des hommes et du matériel, soit un matériau qui puisse reboucher le trou tout en laissant la possibilité de pouvoir intervenir à l’avenir. Le remblaiement et le compactage arrivent juste avant la pose des enrobés. Avec l’arrivée de matériaux auto-compactants, ces deux opérations ont beaucoup évolué au cours des quinze dernières années. Les normes et les contrôles sont aussi de plus en plus rigoureux.
Remblayer les tranchées se fait aujourd’hui avec différentes techniques. La plus commune reste l’utilisation de matériaux classiques, dits granulaires. Le remblayage se fait avec des outils traditionnels et nécessite l’emploi de compacteurs ou de pilonneurs, du matériel bien souvent fabriqué par des entreprises étrangères. La deuxième technique est l’utilisation de sols améliorés avec des limons chaulés. Pour cela, il faut utiliser des matériaux argilo-calcaire auxquels sont ajoutés de la chaux afin de lui donner du liant. Cela nécessite à la fois un criblage pour trier les matériaux et avoir le meilleur granulat possible. Y ajouter de la chaux coûte aussi cher et entraîne aussi des nuisances sonores, si cette technique est réalisée à même le chantier. « Il existe aussi des matériels qui permettent de traiter les matériaux déblayés directement sur le site », explique Raymond Renou, responsable du laboratoire indépendant Aggeris. Grâce à cela, les remblais sont réincorporés à la tranchée directement en ajoutant du ciment et de l’eau. C’est un coût moindre au niveau du transport. Mais la technique la plus coûteuse, qui se révèle aussi être une des meilleures, est l’utilisation de matériaux auto-compactants. « C’est du matériel beaucoup plus fluide, mise en place avec une toupie à béton », affirme-t-il.
La société Cemex s’est lancée il y a une quinzaine d’années dans ce marché des auto-compactants. « C’est une utilisation routière pour tous les réseaux que cela soit de l’induction d’eau ou de la fibre optique. C’est peu utilisé en assainissement car cela nécessite une tranchée plus large », précise Laurent Claeyssen, responsable produits spéciaux pour Cemex Sud-Est. Très utilisé dans les tranchées étroites, ces matériaux se révèlent faciles à mettre en œuvre, ont une meilleure tenue dans le temps, peuvent être facilement excavés par la suite et permettent aussi à un chantier d’arriver plus vite à terme. Une fois sec, il suffit de poser le bitume et le chantier est terminé. L’autre avantage est l’absence de compactage. En effet, lorsqu’une tranchées est remblayée, si des matériaux de type alluvionnaire sont utilisés, l’entreprise de travaux publics devra procéder à l’emploi de compacteurs avant de poser les enrobés. Cette dernière opération n’existe pas dans le cas de l’emploi d’auto-compactant. Avec les milliers de kilomètres de tranchées réalisés chaque année, le potentiel pour Cemex est des plus intéressants. Toutefois, si ces matériaux se révèlent intéressants, les auto-compactants sont des graves ciments fabriqués dans des centrales à béton. « Il nécessite forcément un lieu de production proche. C’est plus abordable pour les grosses entreprises qui ont déjà un moyen de fabrication », note Raymond Renou, du laboratoire Aggeris. Il remarque tout de même que cette technique se démocratise car les tranchées n’ont plus besoin d’être aussi larges qu’auparavant. « On peut gagner de dix à trente centimètres sur une demi-tranchée. Et il y a le coût des déblais en moins », ajoute-t-il.
Si la qualité des tranchées rebouchées a aujourd’hui évolué, c’est aussi en raison d’une évolution des normes et des contrôles, imposés notamment par l’Agence de l’eau. Cette dernière soumet l’octroi de subventions aux collectivités réalisant des travaux à des contrôles et à un respect des normes. « Tout maître d’œuvre doit réaliser un contrôle de ses remblais de tranchées par un organisme extérieur », souligne Raymond Renou dont le laboratoire officie dans le contrôle de ces fameux remblais pour des sociétés de travaux publics. Cette obligation de contrôle est encore plus forte en cas de rétrocession communautaire d’un chantier. Cela fait l’objet d’un dossier demandé par la collectivité pour accepter la rétrocession. « Nous contrôlons la nature du matériau utilisé et s’il correspond à la bonne classe », précise-t-il. Classe de matériau de remblai définie auparavant dans le cahier des charges du chantier. Pour vérifier le bon état du compactage, les laboratoires de contrôle utilisent un pénétromètre dynamique. L’appareil permet de contrôler sur toute la hauteur la qualité du remblai en s’assurant que c’est bien la bonne famille de remblai qui a été utilisé. Quant à l’obligation de classe utilisée, elle est définie par la norme NFP 11 300 et par le guide de remblayage de tranchées.
Ces contrôles permettent d’obtenir de meilleurs résultats, mais il n’existe en France aucune entreprise spécialisée dans ce domaine si particulier. Les Canalisateurs de France mettent en avant leur qualification. « On rechigne à tort sur la qualité des remblais », insiste Pierre Brockly, délégué régional pour la Lorraine de Canalisateurs de France. Chaque entreprise membre de ce syndicat affilié à la FNTP utilise des matériaux et du matériel spécifiques. « Nous avons du matériel nous appartenant, car nous l’utilisons tous les jours », poursuit-il. Du matériel comme des plaques vibrantes coûtant plus de 6 000 € et qu’il faut suivre et entretenir chaque jours pour qu’il reste aussi performant. Un tel suivi se révèle essentiel pour la réussite des chantiers. A l’entreprise de s’adapter à ce métier si particulier.
Mathieu Liénard