Nécessité pour certains travaux, le creusement de fouilles en tranchées expose les ouvriers à divers risques, parmi lesquels l’ensevelissement. Pour assurer leur sécurité durant l’intervention, les fouilles doivent être blindées.
Partie 1
Le blindage, seule solution contre les risques d’éboulement
Partie 2
Le blindage de tranchées exécutées en bon terrain
Partie 3
Le blindage de tranchées exécutées en mauvais terrain
Partie 4
À l’écoute de leurs clients, les spécialistes innovent
Le décret du 8 janvier 1965 modifié exige que toute tranchée à parois verticales soit blindée dès lors que sa profondeur est supérieure à 1.30 m et que sa largeur est égale ou inférieure au 2/3 de sa profondeur. Les entreprises de TP ont longtemps sous-estimés les risques d’éboulement. Sensibilisées lors de formations et de démonstrations, elles sont à présent de plus en plus nombreuses à blinder les fouilles pour assurer la sécurité de leurs équipes. « Elles ont admis que le blindage faisait partie de l’équipement d’intervention », assure Marc Cayron, gérant de PCA. « Chaque année, des opérateurs meurent dans les tranchées », rappelle Laurent Vasseux, dirigeant de FET Blindage-Laser. « Des collectivités territoriales demandent déjà des études de sol avant tout creusement. Ces analyses sont importantes parce qu’elles orientent nos choix en matière de blindage. » Sont pris en compte la nature du terrain, la profondeur de la fouille, la densité des obstacles rencontrés, les vibrations voisines, les conditions hydrologiques, les surcharges avoisinantes et les ébranlements dus à la circulation.
Lorsque le terrain est de bonne tenue, le blindage de tranchées peut être réalisé par panneaux en bois ou par caisson bois. Dans le premier procédé, les panneaux en bois sont descendus au fond de la fouille puis redressés verticalement contre la paroi. Les boiseurs installent ensuite les étrésillons, bloqués entre les montants ou les longrines des panneaux. Les panneaux en bois peuvent être remplacés par une peau souple en géotextile lorsque les tranchées ont une largeur inférieure à 0.80 m. Le blindage par caisson bois permet quant à lui de sécuriser les interventions dans des petites tranchées. Deux parois de planches horizontales de 6 cm d’épaisseur sont assemblées par des montants métalliques (d’une longueur de 2.50 m et d’une hauteur de 50 à 90 cm) et des vérins à vis. Ces éléments de blindage sont descendus dans la tranchée avec un engin de levage. Ils sont ensuite empilés jusqu’à ce que le dernier dépasse d’au moins 15 cm le haut de la tranchée. L’assemblage des parois et le réglage des étrésillons se fait à côté. Les caissons bois peuvent aussi être remplacés par des caissons métalliques, lorsque les fouilles sont creusées en bon ou mauvais terrain. Divers caissons très robustes existent, en acier ou en aluminium, adaptés aux pressions auxquels ils seront soumis et d’une dimension légèrement supérieure à la profondeur de la fouille. « PCA s’est spécialisé dans la construction de blindage ultra-léger et manu-portable », explique Marc Cayron. « Nous avons opté pour de l’aluminium, aussi résistant mais plus léger que l’acier. Pour un blindage de 1.50 m par 0.50 m, le poids est de 11 kg. » Ces caissons sont mis en place par havage ou manuellement.
En mauvais terrain, le blindage doit résister à la pression exercée sur ses parois, être installé sans mettre en danger les exécutants et ne pas se disloquer sous l’effet de la poussée oblique par rapport aux parois de la fouille. Le blindage par enfilage de planches verticales, historiquement privilégié, est peu à peu délaissé au profit d’autres méthodes. Adapté aux fouilles dans lesquelles sont recoupées des canalisations transversales, le procédé de blindage par ceinture et palfeuilles est utilisé pour des tranchées importantes ou au contraire pour de petites fouilles creusées pour des opérations d’entretien de réseau. Une ceinture, simple (artisanale et aux dimensions de la fouille) ou complexe (composée de profilés en alliage légers reliés par des vérins hydrauliques) est déposée dans une pré fouille d’environ 30 cm. Elle servira d’appui supérieur aux palfeuilles qui doivent être enfoncées. Pour bloquer la partie inférieure de la palfeuille, l’installateur gardera une fiche d’environ 15 cm dans le terrain. Le blindage par cadre à glissières et panneaux métalliques permet quant à lui d’ouvrir surtout des tranchées profondes en évitant la décompression. Des caissons sont constitués avec des cadres verticaux comprenant deux montants à glissières dans lesquelles coulissent des panneaux métalliques. Leur enfoncement se fait par havage. « Lorsque les tranchées à ouvrir sont d’une profondeur supérieure à 3 m, nous mettons en place des cadres à doubles glissières permettant d’installer deux panneaux superposés et de creuser jusqu’à 7.60 m », précise Laurent Vasseux. Enfin, le blindage par battage de rideaux de palplanches consiste à enfoncer dans le sol, avant le terrassement, un rideau de palplanche constituant la paroi du blindage. Les étrésillons sont posés au fur et à mesure de la progression du terrassement.
Les matériels de blindage ont évolué avec les besoins des entreprises sur le terrain. « Les sous-sols sont de plus en plus encombrés, les opérateurs cherchent du matériel modulable », constate Laurent Vasseux. « Avant, nos clients voulaient creuser le moins possible et nous sollicitaient pour des petits caissons. Aujourd’hui, ils veulent travailler dans la fouille et s’orientent par exemple vers des caissons de 85 cm par 1.45 m », ajoute Marc Cayron. Tandis que PCA ne propose que du matériel à la vente, FET Blindage-Laser a aussi fait le choix de la location pour faire face aux nouvelles demandes. « Les entreprises n’investissent plus dans le blindage parce que le coût est important et parce que les chantiers offrent toujours leur lot de surprises », affirme son gérant. Forts de ce constat, les spécialistes s’adaptent, et réinventent parfois même le blindage. C’est le cas de la société Pronal qui a développé une protection pneumatique de fouilles à la demande des Eaux du Nord. « Smartshore est un blindage léger, fiable et robuste », indique Éric Fradet, directeur technique. « Nous avons fait appel à des technologies similaires à celles des pneumatiques. Deux coussins confectionnés à partir de tissus enduits de caoutchouc et aux propriétés spécifiques remplacent le blindage traditionnel. Pesant 13 kg chacun, deux personnes suffisent pour les positionner manuellement. » Les techniques assurant la sécurité des intervenants sont au point. Les fabricants cherchent maintenant à améliorer les méthodes d’installation du matériel. « Nous pouvons encore développer des solutions plus faciles et rapides pour mettre en place le blindage », avance Laurent Vasseux.
Charlotte Malbranque