Métier neuf, la détection de réseau se voit propulser par la réglementation DT-DICT. Explosion du nombre d'entreprises, création de règles professionnelles, formation, l'évolution est si rapide qu'elle frôle la crise de croissance. Aperçu des défis posés à la profession.
Partie 1
Une demande croissante
Partie 2
Recherches patrimoniales
Partie 3
Un risque de contre-références
Partie 4
La profession se structure
La réforme DT-DICT crée un appel d'air pour les entreprises de détection de réseaux. L'obligation d'investigations complémentaires imposée par la réglementation en cas de plans de réseaux sensibles imprécis (classe B et C) amène un surcroît d'activité pour les entreprises existantes, incite des cabinets de géomètres ou entreprise de topographie à se lancer dans la détection. La société Toposcan est par exemple à l'origine spécialisée dans la topographie des réseaux d'électricité. « Depuis un peu plus d'un an, nos clients nous ont demandé de faire de la détection, indique Loriane Roussel, responsable des activités topographiques de TopoScan. Cette année, cela représente 12 % de notre chiffre d'affaires, mais l'année prochaine cela devrait osciller entre 20 et 30 %. » Surtout, la réforme engendre la création de nombreuses entreprises. Ainsi la Fédération Nationale des Entreprises de Détection de Réseaux Enterrés (Fnedre), créée en février 2011 par cinq membres fondateurs, voit rapidement augmenter le nombre de ses adhérents. Elle comptait fin octobre plus de 90 membres contre une cinquantaine fin 2011, et les adhésions continuent d'affluer. L'écrasante majorité des membres de la Fnedre (76 %) sont des entreprises de moins de 10 salariés. « Nous remarquons une certaine sectorisation du métier, relève pour sa part Icheme Djebbar, gérant de l'entreprise Tecnisol et vice-président de la Fnedre. Avant notre entreprise couvrait toute la France, désormais nous essayons de répondre à la demande au niveau de notre région avant d'aller prendre des dossiers en dehors. »
« Il n'y a pas assez de monde pour satisfaire la demande, estime Hubert Brérot, président d'honneur de la Fnedre, même si depuis juillet celle-ci a été moindre que ce que nous attendions, parce que de nombreux chantiers ont été menés à partir des anciens formulaires. À partir du début de l'année prochaine, tous les chantiers seront engagés selon la nouvelle réglementation. » Mais les investigations complémentaires ne sont pas les seuls marchés en jeu. La recherche de réseaux pour raison patrimoniale prend de l'ampleur. Les communes de plus de 2 000 habitants devront avoir la cartographie de leurs réseaux sensibles mises à jour d'ici 2019. « Certains de mes collègues de la Fnedre ont plusieurs années de travail devant eux, et prennent moins de nouveaux chantiers, assure Hubert Brérot. » Enfin, les grands opérateurs de réseaux, comme Grdf, lancent également des appels d'offres pour mettre à niveau leurs plans. Les fabricants d'appareils de détection (radar géophysique, détection électromagnétique, acoustique, etc.) ne sont pas en reste car outre les nouvelles entreprises de détection qui doivent s'équiper, les grands opérateurs, comme Grdf ou Erdf, achètent des appareils pour que leurs agents puissent également matérialiser les réseaux quand les plans font défaut.
« Certains professionnels voient bien qu'il y a un nouvelle opportunité d'activité, explique Loriane Roussel, qui est également trésorière de la Fnedre, mais ils ne se rendent pas toujours compte que la détection est un vrai métier, avec ses méthodes et techniques de travail. » Ainsi, certaines entreprises opportunistes répondent aux appels d'offres sans avoir les compétences requises. « Nous avons vu des rendus d'investigations complémentaires où les réseaux n'étaient pas positionnés correctement, déplore Hubert Brérot, notamment par manque de connaissance des réseaux. » Or si le marquage-piquetage est fait selon des données erronées, il peut très vite mener à l'accident au moment des travaux. On ne s'improvise pas dans la profession, estime Icheme Djebbar : « Pour créer une entreprise de détection de réseaux, il faut avoir des connaissances en voirie et réseaux (VRD) et en génie civil, et avoir acquis sufffisamment d'expérience professionnelle. Ensuite, il faut acquérir les équipements et j'estime que le ticket d'entrée pour monter une entreprise va de 50 000 à 75 000 euros. Enfin, il faut avoir une bonne connaissance de ces équipements et élaborer une méthodologie de travail bien rodée. »
« Il y a très peu d'entreprises qui forment à la détection de réseaux, selon Hubert Brérot, lui-même formateur à travers son entreprise Conseils Prestations Formation en Détection de Canalisations Enterrées (CPFD). Il y a bien les fabricants qui forment à l'utilisation de leur matériel mais cela ne suffit pas, notamment en ce qui concerne la connaissance des réseaux. » À cet égard, l'inauguration le 17 octobre dernier de la première Zone d’apprentissage à la détection et au positionnement des réseaux enterrés (Zadepre) par la Plate-forme technologique des travaux publics du Limousin est plus que bienvenue. Elle va non seulement permettre au Lycée technique Pierre Caraminot d'Egletons de proposer un complément « détection de réseau » au BTS géomètre-topographe, mais servira aussi aux entreprises pour se former sur une plateforme commune et ainsi d'acquérir un même socle de compétences. La Fnedre œuvre à la création de 3 à 4 centres de formations au niveau national.
Par ailleurs, la certification propre au métier de la détection est en cours d'élaboration et devrait voir le jour d'ici début 2014. En effet, la réglementation stipule qu'à compter du 1er janvier 2017, les entreprises intervenantes auront l'obligation de fournir une attestation de compétences. En attendant, la Fnedre met en place une qualification destinée à ses membres pour leur permettre de se préparer à la certification, en vérifiant un certain nombre de critères : conformité du matériel, savoir-faire, assurance responsabilité civile professionnelle spécifique, etc. Cette qualification, qui pourrait être prête dès la fin 2012, permettra d'apporter quelques garanties sur le sérieux des entreprises l'ayant obtenue.
Vincent Boulanger