La réforme DT-DICT a un fort impact sur les collectivités. Les communes se voient dans l'obligation de recourir à de nouveaux outils, comme les systèmes d'information géographiques (SIG), et de connaître plus précisément leurs réseaux. Ceci nécessite de nouveaux moyens, engendre de nouvelles dépenses, mais représente aussi une nouvelle ressource pour les communes.
Partie 1
Etats des lieux
Partie 2
Chantier de longue haleine
Partie 3
Mutualiser les moyens
Partie 4
Sous-sol : une ressource à exploiter
La réforme DT-DICT implique de connaître la localisation de ses réseaux à 40 cm près (classe de précision A). Cela signifie de disposer de plans à l'échelle 1/200. Or si les grandes agglomérations sont généralement dotées d'un SIG, toutes ne les ont pas mis en place avec les mêmes objectifs et à l'échelle voulue. Par exemple, il suffit du 1/10 000 ou 1/25 000 pour gérer l'urbanisme : « Les SIG à l'échelle voulue pour la réglementation et tenus à jour sont très rares, estime Yves Riallant, délégué général de l'Afigéo. Même les bons élèves ne sont pas toujours conformes à la réglementation qui exige des SIG basés sur le nouveau système géodésique officiel (RFG93). À Strasbourg par exemple, le SIG a été créée sous l'ancien système (NTF), ce qui va les obliger à faire un travail de transformation de l'ensemble de leurs informations. » Parmi les petites communes, nombreuses sont celles qui n'ont jamais entendu les mot « SIG » ou « géolocalisation ». « Nous avons 85 communes sur la communauté urbaine de Lille, illustre Erwan Lemarchand, directeur de la coordination territoriale de Lille Métropole et expert AFNOR sur la réforme DT-DICT. Seule une petite dizaine d'entre elles a un SIG. Les autres ont au mieux des documents papiers et au pire rien du tout, c'est à dire qu'elles ne savent pas où se trouvent leurs réseaux. »
La mise en place d'un SIG s'organise en deux temps. Il faut d'abord disposer d'un référentiel géographique, un plan de surface précis sur lequel vont pouvoir venir se caler les données de réseaux. Or c'est aux collectivités que revient la charge de la mise en place de ce plan de surface. Une charge qu'elles peuvent cependant partager avec les exploitants de réseau, soit en faisant payer l'usage de ce référentiel, comme à Strasbourg, soit en cofinançant sa création, comme cela se fait à Orléans. « Notre SIG a été mis en place en 1993 et tous les ans, nous cofinançons avec les exploitants entre 10 et 15 km de voirie, indique Angéline Mercier, responsable du pôle SIG, car ce référentiel leur permet de venir géolocaliser leurs réseaux. Nous levons tout ce qu'on voit sur la rue. Le plan de surface est utile pour connaître ce qu'il y a dans le sous-sol grâce à tout ce qui affleure : bouche à eau, clés, armoire d’ErDF/GrDF, d'éclairage public, etc. À ce jour, 72 % du territoire de la ville est couvert et nous devrions avoir fini en 2017. »
Le second temps consiste à disposer des données de réseau ayant le même degré de précision. À Rennes, le référentiel de surface est complet depuis 1999. « Pour le sous-sol, nous disposons de deux types de données, celles issues du récolement en fouille ouverte que nous effectuons nous-mêmes, en classe A, détaille Cécile Olivier, responsable du pôle Données de Référence du Service SIG de Rennes. Et puis celles venant de la retranscription des archives, environ la moitié, dont on ne sait pas s'il s'agit de classe B ou C et qu'il faut donc encore qualifier. » La collecte de données à la classe de précision voulue représente lui aussi un travail conséquent. Et il faut peu compter en la matière sur le scan des plans papiers, souvent chargés d'erreur et mal référencés. Le manque de données est particulièrement criant pour le réseau d'éclairage public. Ce dernier est un réseau sensible, qui doit être géolocalisé d'ici 2019 pour les zones urbaines et d'ici 2026 pour l'ensemble du territoire. Or si les autres types de réseaux sont souvent gérés par des structures ayant les moyens de se doter de SIG plus ou moins précis (ErDF, GrDF, syndicats intercommunaux, etc.), l'éclairage public est géré par les communes, avec des outils généralement obsolètes. Ainsi, même pour les communes équipées de SIG, la réforme implique un effort supplémentaire d'organisation et de moyens humains et financiers.
Si les grosses collectivités déjà bien organisées, comme Rennes et Orléans, éprouvent des difficultés dans la mise en œuvre de la réforme, la situation des petites communes est encore plus problématique. « Beaucoup de communes ne se sont même pas enregistrées au guichet unique, car elles ne savent pas entrer des données, relève Erwan Lemarchand. On ne peut pas demander à une commune de 1000 habitants d'avoir un SIG, elle n'en a pas les moyens humains, techniques et financiers. La seule solution pour les petites communes est de faire passer cette compétence à un autre échelon. La commune paie le service mais l'outil est géré à l'échelon intercommunal pour les zones urbaines et par les départements pour les communes rurales. » C'est ce type de service que proposera dès 2013 Lille aux communes de la métropole qui n'ont pas de SIG et aussi ce que Rennes met en place pour ses 37 communes périphériques. « Nous assurerons l'intégration, le contrôle et le stockage des données, que les communes pourront consulter via des applications internet, explique Cécile Olivier. Cette mutualisation permet aussi de grouper les marchés de chantiers topographiques pour obtenir de meilleurs prix. » Encore faut-il que les communes en question acceptent de payer quelque chose qu'elles ne payaient pas avant.
Pour aider les communes à comprendre l'intérêt de ses nouveaux outils et services, il ne faut pas seulement considérer la réforme DT-DICT, mais la gestion de l'ensemble du patrimoine. « Car, assure Yves Riallant, le véritable problème est ailleurs : il s'agit du patrimoine de réseaux dont il faut assurer le renouvellement. Par exemple, nous avons 850 000 km de réseau d'eau potable, dont un bon tiers présente des fuites. La loi Grenelle 2 stipule qu'il doit être rénové. Cela suppose de localiser les réseaux avec précision. La France compte plus de 4 millions de km de réseaux, dont les 2/3 sont enterrés et dont on connaît très mal la position. » Le chantier qui s'ouvre pour les communes ne représentent cependant pas seulement un coût, mais aussi une opportunité. Par exemple, les entreprises qui posent la fibre optique ont besoin de plans, elles pourraient payer pour les obtenir, de même pour les entreprises de travaux publics. « Notre patrimoine est une valeur, et pour bien gérer son patrimoine, il faut bien le connaître, insiste Erwan Lemarchand. Vu sous cet angle, les élus comprendront qu'ils ont intérêt à y aller. Et il ne faut pas attendre des aides de l'état. C'est à nous de nous organiser et de contractualiser avec les opérateurs, de mettre en place les droits d'usages du domaine public. »
Vincent Boulanger