1,7 million de foyers privés d'électricité par la tempête KLAUS et la polémique relancée comme après chaque tempête : pourquoi n'enfouit-on pas les lignes électriques ? L’ampleur et l’importance des destructions est à la hauteur du débat.
Le réseau électrique, grâce aux lignes électriques qui le constituent permet d'acheminer l'électricité depuis les lieux de production (barrages hydroélectriques, centrales thermiques ou nucléaires, parcs éoliens...) jusque chez le consommateur final. Le réseau couvre l'ensemble du territoire français et est relié à ceux des autres pays européens.
Partie 1
Le réseau électrique français
Partie 2
Le rôle des collectivités
Partie 3
Les obligations d'EDF et ERDF
Partie 4
Les problématiques
Il est constitué de grands axes (le réseau de transport d'électricité
) et d'axes secondaires (le réseau de distribution
).
Le réseau de transport d'électricité
français est long de 20 000 km et constitué de lignes à très haute tension (THT).. Impresssionnantes par leurs dimensions, les lignes THT sont conçues pour transporter de grandes puissances. On les reconnaît facilement à leurs supports (pylônes et poteaux) qui peuvent atteindre 45 m de hauteur et 57 m de largeur. Le réseau de transport d'électricité est géré en France par RTE.
Le réseau de distribution
achemine l'électricité depuis les centres de distribution vers le client final.
· Les lignes aériennes :
Elles constituent les deux tiers des réseaux de distribution avec 586 000 km de lignes HTA et 654 000 km de lignes BT. Les lignes les plus anciennes sont à fils nus supportées par des poteux metalliques en béton ou en bois, pourvus d'isolateurs. Les plus récentes sont réalisées avec des fils isolés torsadés, supportés par des poteaux métalliques, béton ou bois. Dans les villes et villages, les câbles sont mainteant posés en façade par l'intermédiaire de colliers.
· Les lignes souterraines :
Un tiers des lignes de distribution sont souterraines. Avec ce taux d’enfouissement actuel, la France accuse un retard avéré comparé à ses voisins britanniques ou germaniques. Une situation que reconnaît Michel Francony, Président d’ERDF qui souligne toutefois que depuis 2005 le groupe a consenti un « vigoureux effort d’investissement » dans le cadre de leur contrat de service, consacrant 2,3 milliards d’euros en 10 ans pour améliorer le réseau de distribution dont 90 % sont dédiés à l’enfouissement.
Interrogé par l'AFP, le directeur général adjoint d'ERDF (Electricité Réseau Distribution France), Bernard Lassus, explique que chaque année, 95% des lignes nouvelles sont enterrées. Par ailleurs, il précise que le rythme de l'enfouissement qui était de 3 000 kilomètres par an passerait à 5 000 kilomètres par an vers 2012. Selon le rapport d'activité d'ERDF, sur les 1,2 million de kilomètres du réseau, près de 470 000 kilomètres ont été enfouis. Soit 39% du réseau.
Sur les communes, les collectivités locales accordent des concessions à ERDF pour l'exploitation du réseau sur leurs territoires. La Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR) milite pour que la France atteigne « d’ici 15 à 20 ans une couverture de l’ordre de 75 % comme en Allemagne ». Dans les pays du Benelux, la quasi-totalité du réseau est souterrain. "Après la tempête de 1999, ERDF a reconstruit les réseaux à l'identique, alors que nous plaidions pour l'enfouissement car nous avions vu que les réseaux aériens étaient fragiles", dénonce la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). L'élagage se fait aussi de façon très variable selon les concessions. Et alors que la durée de vie des réseaux est de quarante ans, certaines portions ont 50, 60 voire 70 ans." Si les opérations d’élagage se sont multipliées, ces dernières années, afin de rattraper le retard accumulé - notamment après les événements bien connus de décembre 1999 -, elles montrent leurs limites face à la répétition des coupures et à la multiplication des dégâts sur le réseau.
Les collectivités locales peuvent participer directement ou indirectement au financement de l'enfouissement des réseaux aériens.
Lors d'opérations d'effacement des réseaux aériens, l'enfouissement coordonné des lignes électriques et téléphoniques situées dans une même zone peut être opportun aussi bien pour des raisons esthétiques qu'en termes de coût. Un dispositif spécifique a ainsi été prévu pour l'enfouissement des lignes électriques et téléphoniques qui utilisent des supports communs. Plus précisément, l'article L. 2224-35 du code général des' collectivités territoriales, issu de la loi n° 2004-575 du 21 janvier 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, impose aux opérateurs de communications électroniques, en cas d'enfouissement de la ligne électrique aérienne, d'enfouir également leur ligne téléphonique en utilisant la partie aménagée à cet effet dans l'ouvrage souterrain construit en remplacement de l'ouvrage aérien commun. L'enfouissement d'une ligne électrique peut également fournir l'occasion de procéder à l'effacement à moindre coût de lignes téléphoniques qui, sans utiliser des supports communs, passent à proximité. Le principe et les modalités techniques et financières d'une telle opération doivent être discutés localement avec l'opérateur de communications électroniques concerné. Une participation financière des collectivités locales, soit directement, soit par la mise à disposition de fourreaux, pourrait en effet faciliter la mise en place de ce dispositif.
Dans le contrat de service public conclu en 2005 entre l'Etat et EDF, complété l'année suivante par un "Plan aléas climatiques", l'opérateur s'est engagé à enfouir :
- 90% des nouvelles lignes haute tension "A" (de 1 000 à 5 000 volts)
- 65% des nouvelles lignes basse tension (moins de 1 000 volts)
L'opérateur s'est aussi engagé à fournir un effort particulier d'enfouissement et d'élagage dans les zones boisées. Ces engagements ont été repris par Electricité réseau distribution France (ERDF), la filiale à 100% d'EDF qui gère le réseau depuis l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité.
Une ligne souterraine coûte beaucoup plus cher qu'une ligne aérienne. D’après ERDF près de 100 milliards d’euros seraient nécessaires pour enfouir la totalité du réseau de distribution. L'enfouissement coûtant très cher, il serait reporté sur la facture d'électricité des clients. "C'est pour cela que nous nous focalisons surtout sur les lignes neuves", précise Bernard Lassus. La FNCCR conteste ce chiffre, et propose sa propre estimation. Selon Jean-Marc Proust, "pour parvenir à un taux d’enfouissement du réseau de distribution de l’ordre de 75% à 80% comme en Allemagne, il faut investir environ 50 milliards d’euros à échéance quinze ou vingt ans". Et, précise-t-il, le coût varie selon les régions : il est moins élevé "dans le sable des Landes" qu'en montagne.
La filiale d'EDF oppose un dernier argument aux partisans de l'enfouissement total : les lignes souterraines résistent peut-être aux tempêtes, mais pas aux inondations ou aux canicules. La FNCCR l'admet, mais se veut plus nuancée: "L'enfouissement est la moins mauvaise des solutions. En France, les risques d'inondations sont quand même moindres que les risques de neige ou d'orages."
Ceux qui réclament un recours à l'enfouissement des lignes électriques mettent en avant également la contribution significative à l'amélioration esthétique des zones traversées. Le quadrillage du paysage est le résultat de pylônes verticaux, dépassant parfois 55 mètres de hauteur, avec des fils électriques rectilignes supplantant la ligne d’horizon.
Les impacts environnementaux des lignes haute et très hautes tension sont également pris en compte. Ils sont de plusieurs ordres :
- Emprise sur les terrains
- Atteintes aux animaux
L'enfouissement ne fait d'ailleurs pas l'unanimité. "Ce n'est pas la solution miracle" car "les travaux peuvent causer des dégâts écologiques", estime France Nature Environnement qui plaide pour "moins de lignes, mais une production plus décentralisée et adaptée au territoire".